Iran : les confidences d'un réformateur

n° 107 - Printemps 2005

Politique Internationale - Monsieur le Président, de quelle réalisation êtes-vous le plus fier après ces deux mandats ?
Mohammad Khatami -Après des siècles et des siècles de despotisme en Iran, et surtout après deux siècles de dictature liée à l'étranger, pendant laquelle le peuple était réduit au silence et soumis à la répression politique, j'ai enfin pu faire en sorte que la valeur fondamentale de la Révolution islamique soit appliquée : le gouvernement est désormais responsable devant les citoyens. Aujourd'hui, je suis enchanté de constater que n'importe qui en Iran, qu'il s'agisse d'un jeune ou d'un intellectuel, peut critiquer sans crainte le pouvoir exécutif. Je suis parvenu à imposer l'idée que le pouvoir n'est pas quelque chose de céleste mais de terrestre, et que les gens ont la possibilité de le dénoncer librement. Cela me semble un acquis primordial. Il s'agit maintenant d'étendre ces principes à tous les domaines. Autre succès : la création de structures - scientifiques, technologiques, universitaires... - destinées à promouvoir le développement économique et le rayonnement culturel de l'Iran. Le lien qui existe entre des avancées de cette nature et l'expansion de la liberté me conduit, là encore, à ne pas être insatisfait...
P. I. - Et votre plus grand regret ?
M. K. - J'ai toujours pensé que la démocratie était plus un processus qu'un projet spécifique. Ce processus, je l'ai mis en marche. Je n'ai donc pas de " regret " stricto sensu - même si je n'ai pas atteint tous les objectifs que je m'étais fixés.
P. I. - Peut-on dire que le réformisme a progressé sous votre mandat ?
M. K. - Sans aucun doute. Et je pense même que ce processus réformiste est irréversible. C'est, à coup sûr, l'acquis le plus important de mes deux mandats.
P. I. - L'un des fondements de la République islamique est le primat du religieux sur le politique. Ce principe est-il, lui aussi, irréversible ?
M. K. - Depuis un siècle, le peuple iranien aspire à trois choses : la liberté, l'indépendance et la croissance. Mais il possède aussi une identité historique, qui est religieuse. Dans le cadre de la révolution islamique, cette identité culturelle et ces aspirations se sont cristallisées. Si nous voulons que l'islam réussisse, il doit être compatible avec la liberté, l'indépendance et la croissance. Mais si ces trois principes omettent de prendre leurs racines dans la religion, alors nous allons droit à l'échec et c'est l'islam qui en paiera le prix.
P. I. - Pouvez-vous vous engager officiellement, au nom de l'Iran, à ce que jamais votre projet nucléaire n'ait d'autre finalité que civile ?
M. K. - Je m'y engage à 100 %.
P. I. - Une frappe américaine sur les installations militaires iraniennes est-elle concevable ? La redoutez-vous ?
M. K. - Nous restons vigilants sur cette question cruciale. Bien entendu, nous sommes en train de nous préparer à ce danger et de renforcer notre défense pour y faire face. Néanmoins, je ne pense pas qu'on en …