Les Grands de ce monde s'expriment dans

Vers une troisième Intifada ?

Patrick Saint-Paul - Après l'élection de Mahmoud Abbas en janvier dernier, vous avez renoué les premiers contacts directs de haut niveau avec Israël depuis de longues années - et cela, à l'occasion d'une rencontre avec le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz. Mahmoud Abbas et Ariel Sharon se sont ensuite retrouvés à Charm el-Cheikh. Peut-on parler aujourd'hui d'une relance du dialogue avec Israël ?
Mohammed Dahlan - Il n'est pas facile de se rasseoir à une table avec les Israéliens après quatre ans et demi de combats. Il n'y a plus de confiance entre nous. Tout est à reconstruire dans nos relations. Ces années ont été catastrophiques, aussi bien pour nous que pour les Israéliens. En dépit des apparences, Israël ne s'est pas adapté à la nouvelle donne palestinienne. Le gouvernement d'Ariel Sharon ne fait pas la différence entre la période d'Arafat et celle de Mahmoud Abbas. Il gère la situation comme si Mahmoud Abbas n'existait pas, comme s'il n'y avait pas eu d'élection, comme s'il n'y avait pas de cessez-le-feu. Et rien n'a changé dans la façon dont les Israéliens administrent les territoires autonomes palestiniens. Un exemple : à Karni - le principal point de passage entre Israël et la bande de Gaza -, Israël n'autorise pas plus de trente camions de marchandises par jour à sortir, ce qui ruine notre agriculture et notre économie. En revanche, les camions israéliens ont toute latitude pour pénétrer dans la bande de Gaza afin de nous vendre leurs produits. Il n'existe pas d'échanges commerciaux entre Gaza et la Cisjordanie. Par surcroît, nos citoyens ne peuvent pas voyager librement. Si un Palestinien souhaite traverser la frontière qui sépare Gaza de l'Égypte, Israël l'en empêche ! Même lorsque notre ministre des Affaires étrangères, Nasser al-Kidwa, effectue un déplacement à l'étranger, il doit prévenir les autorités israéliennes deux jours à l'avance en fournissant la liste des personnes qui l'accompagneront. Les services de sécurité israéliens fouillent ses valises et n'hésitent pas à déballer ses vêtements et ses documents devant tous les autres passagers ! Nos droits les plus élémentaires sont bafoués tous les jours. Au niveau sécuritaire, il n'existe pas de vrais " ponts " entre les deux parties. J'ai essayé d'en construire un avec le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz. Mais c'est extrêmement difficile. Convaincre le ministre de la Défense du bien-fondé d'une mesure en faveur des Palestiniens n'est, en effet, pas suffisant. Je dois ensuite persuader le chef du Shin Beth (le service de renseignement intérieur israélien), puis le chef d'état-major et les commandants locaux... Dans de telles conditions, il est quasiment impossible de réaliser le moindre progrès.
P. S.-P. - Au sommet de Charm el-Cheikh, il a été convenu de transférer le contrôle de cinq villes de Cisjordanie à l'Autorité palestinienne. Le gouvernement israélien a choisi de commencer par Jéricho, où le calme a régné pendant l'Intifada. À première vue, ce transfert paraissait très simple à mettre en œuvre. Pourtant, il a été reporté à plusieurs reprises. Pourquoi ?
M. …