En élisant David Cameron à la tête de leur parti, le 6 décembre dernier, les Conservateurs britanniques se sont donné toutes les chances de récupérer le pouvoir, aux mains des Travaillistes depuis 1997. Leur nouveau chef est un brillant orateur de trente-neuf ans, inconnu il y a encore trois mois. Il a séduit les participants du Congrès annuel de Blackpool en exposant, sobrement, en moins de vingt minutes - et sans notes, dans la tradition de Churchill et de Pitt le jeune -, sa vision d'un conservatisme moderne et généreux.
Éduqué à Eton puis au Brasenose College d'Oxford, où son professeur principal le décrit comme l'étudiant le plus capable qu'il lui ait été donné de connaître, le jeune tory a effectué un parcours sans faute. Marié, père de deux enfants (dont l'aîné est gravement handicapé), il assume son accent " upper class " et s'adonne, à l'instar de ses pairs aristocrates, à des plaisirs simples comme le jardinage ou les randonnées à bicyclette.
L'ascension de David Cameron a été météorique. Ses études achevées, en 1988, il est immédiatement embauché pour rédiger les discours de Margaret Thatcher et de John Major. Il passe ensuite quelques années dans le privé avant d'être élu député de Witney (West Oxfordshire) en 2001. Quatre ans plus tard, on l'a dit, il s'empare du parti... Ses atouts : une équipe unie et dévouée ; un enthousiasme contagieux ; et un charme indéniable. Son ambition : reconquérir les classes moyennes et les forces vives du pays, dont il estime qu'elles ont été négligées par Tony Blair. David Cameron a choisi Politique Internationale afin d'exposer - pour la première fois dans la presse internationale - sa vision d'une démocratie libérale moderne, ses convictions en politique étrangère et les ressorts de sa quête du pouvoir.
Brigitte Adès - Élu en décembre dernier à la tête du Parti conservateur, vous êtes - dit-on - un Tony Blair de droite, l'homme dont les qualités feront mordre la poussière aux Travaillistes lors des prochaines élections...
David Cameron - Je laisse à ceux qui m'ont élu le soin de faire des pronostics aussi personnalisés ! Mon rôle à moi consiste, simplement, à mettre en place, dans les trois prochaines années, le programme qui nous permettra de remporter la victoire.
B. A. - Sur quels domaines allez-vous concentrer votre action ?
D. C. - Nous ferons de la création de richesses et de la suppression de la pauvreté les thèmes centraux de notre programme. Les valeurs conservatrices doivent contribuer à instaurer un vrai marché libéral qui profitera au plus grand nombre. Depuis dix ans, le pays a connu une croissance soutenue ; mais, dans les régions les plus défavorisées, la pauvreté n'a pas été éliminée. Les premiers barreaux de l'échelle sociale sont cassés. Une fois au pouvoir, nous les réparerons un à un.
B. A. - Pourquoi pensez-vous que vous allez réussir là où Tony Blair a échoué ? N'avait-il pas, lui aussi, fait de la redistribution des richesses une priorité absolue de sa politique ?
D. C. - La stratégie du " welfare to work " (1) lancée par Tony Blair et son ministre des Finances, Gordon Brown, n'a pas eu les effets escomptés. Pour une raison simple : le gouvernement a abordé la question avec un esprit trop bureaucratique. Les demandeurs étaient soumis à un interminable questionnaire écrit (2) : des pages et des pages de formulaires qui devaient permettre de mieux cibler les aides et de distribuer l'argent à ceux qui en avaient le plus besoin. Résultat : des millions de nécessiteux rebutés par cette approche et craignant de ne pas être capables de s'acquitter d'une tâche aussi complexe ont jeté l'éponge. Ce qui les a privés du soutien auquel ils avaient droit. Ne vous méprenez pas : je ne doute pas un seul instant des bonnes intentions de Tony Blair et de Gordon Brown. Mais la bureaucratie fait partie intégrante de leur système de pensée.
B. A. - En quoi consiste le " conservatisme compassionnel " dont vous vous réclamez ?
D. C. - Le conservatisme compassionnel est un programme à long terme qui s'adresse aux exclus de la croissance. L'élaboration des détails de cette politique prendra des années mais les lignes générales sont déjà connues. Nous réduirons graduellement la paperasserie et les démarches administratives ; nous impliquerons la société civile et les organisations caritatives aux côtés des services publics ; nous encouragerons les initiatives solidaires de proximité. Nous devons admettre que les associations locales, les organisations à but non lucratif et les entreprises sociales (3) sont les mieux placées pour détourner un jeune de sa vie de délinquant, lui donner envie de prendre son destin en main et de devenir autonome financièrement. Parfois, pour franchir les premiers échelons de l'autonomie, l'aide de gens bien intentionnés …
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