Qui eût pu pressentir, il y a seulement trois mois, que le passionnant entretien de fond accordé par Ariel Sharon à notre Revue serait le dernier ? Qui eût pu se douter que cette longue conversation à bâtons rompus avec Uri Dan était, en réalité, une sorte de testament politique avant l'heure, une ultime pierre blanche qui baliserait le chemin ?
Étrangement, cette fin brutale de l'" ère Sharon " m'a remis en mémoire deux répliques du théâtre de Giraudoux :
- celle de Cassandre, dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu : " Je vais te dire ce qu'est le destin. C'est simplement la forme accélérée du temps. C'est épouvantable " ;
- et celle de Sosie, dans Amphitryon 38 : " Quoi de plus beau qu'un général qui vous parle de la paix des armes dans la paix de la nuit ? "
Il reste que les relations israélo-palestiniennes se trouvent, désormais, dans l'ombre que projette cette disparition illustre. Sur l'avenir de ces relations, notre ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, livre ici son point de vue de façon très libre et très franche. Comme il le fait, d'ailleurs, pour la plupart des autres dossiers internationaux auxquels il attache son intérêt dans la longue interview exclusive qu'il nous a donnée et qui ouvre ce Numéro d'hiver.
C'est également Politique Internationale qu'ont choisie, ce trimestre :
- David Cameron, le charismatique nouveau leader des Conservateurs britanniques, pour expliquer comment il entend triompher de Tony Blair et s'installer à sa place au 10 Downing Street ;
- Mariano Rajoy, le courageux chef de l'opposition espagnole, pour exposer, lui aussi, sa technique de conquête du pouvoir face à un gouvernement Zapatero qu'il juge trop doctrinaire et sans imagination ;
- Gary Kasparov, le génie des échecs reconverti dans la politique, pour éclairer le sens de son combat : rétablir la démocratie en Russie et empêcher Poutine de briguer un troisième mandat ;
- Boris Tadic, le président de la Serbie, pour mettre en garde contre l'évolution vers l'indépendance du Kosovo et du Monténégro, et détailler les garanties démocratiques qu'il est prêt à offrir à la communauté internationale ;
- Hoshyar Zebari, l'influent ministre des Affaires étrangères irakien, pour donner une leçon de lucidité à tous ceux qui, sans l'avouer, semblent regretter l'époque où " l'ordre régnait " à Bagdad... ;
- Annette Lu Hsiu-lien, l'inoxydable vice-présidente de Taiwan, pour dénoncer les visées impériales de Pékin, dangereusement sous-estimées par l'Occident...
À ces personnalités qui " font " l'actualité, nous avons, comme à l'accoutumée, associé les experts les plus compétents : ceux qui dissèquent l'événement et le mettent en perspective. Et cela, sur tous les grands thèmes du moment - des récentes réorientations de la diplomatie américaine aux signes d'effondrement de la dictature syrienne, de la montée des nationalismes en Asie aux méfaits multiformes du fondamentalisme islamique.
Voilà. Tout est dit, je crois. Que nos lecteurs veuillent bien juger si nous avons su, cette fois encore, nous inspirer de Condorcet lorsqu'il écrit : " La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non à ceux qui prétendent la détenir. "
À toutes et à tous : bonne lecture.