Emmanuel Dubois - Quelles conséquences votre parti, le Parti démocratique du progrès (DPP), actuellement au pouvoir à Taiwan, doit-il tirer de son revers électoral du 3 décembre dernier (1) ?
Annette Lu Hsiu-lien - Le DPP est un jeune parti : il n'existe que depuis dix-neuf ans et n'a pas encore achevé la construction de ses réseaux d'influence au niveau local ; dans les régions, il ne peut pas rivaliser avec un parti comme le Kuomintang (KMT) qui a cent onze ans d'histoire derrière lui. En outre, les accusations de corruption portées contre certains conseillers du gouvernement ont grandement nui à la réputation d'honnêteté et de transparence du DPP, alors que l'enquête judiciaire est encore en cours. Ce qui explique que des candidats du DPP, pourtant excellents, aient été battus.
E. D. - Certains observateurs estiment que le gouvernement taiwanais devrait tenir compte de la victoire du KMT et favoriser une certaine forme d'ouverture à l'égard de Pékin...
A. L. - Ces élections n'ont, par nature, qu'une portée locale. La question des relations entre les deux rives n'a pas été abordée lors de la campagne. Elle n'avait d'ailleurs aucun rapport avec les enjeux de ces consultations. Je pense donc qu'il n'y a pas lieu de modifier notre politique à l'égard de la Chine.
E. D. - Pourtant, Taiwan n'est plus reconnu que par vingt-cinq pays (2). Ce score relativement modeste ne vous incite-t-il pas à vous orienter vers une autre forme d'action diplomatique, peut-être moins traditionnelle, mais plus efficace ?
A. L. - Depuis 2000, la politique étrangère de Taiwan a beaucoup évolué. La diplomatie du carnet de chèques, qui était de mise du temps du KMT, n'a plus cours. Nous cherchons désormais à mettre en œuvre les conditions d'un développement autonome dans les pays que nous aidons et avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques. Comme le dit le proverbe : " Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher plutôt que de lui donner du poisson. " Nous offrons aux pays amis une aide humanitaire mais, surtout, nous développons leur système éducatif !
E. D. - Malgré ces efforts, vous avez perdu un allié politique de poids, le 25 octobre dernier, avec l'annonce du rétablissement des relations diplomatiques entre le Sénégal et la République populaire de Chine. Comment expliquez-vous cette défection ?
A. L. - Nous avons pour principe de faire fructifier nos amitiés diplomatiques. Mais si nous avons affaire à un pays qui n'accorde pas la même importance que nous à cette amitié, qui ne partage pas avec nous les valeurs de démocratie, de liberté et de paix, alors nous sommes prêts à accepter qu'il prenne ses distances même si, dans le cas du Sénégal, nous regrettons cette décision. Il est clair que, sur le plan financier, nous ne pouvons pas jouer à jeu égal avec la Chine. Mais, d'un autre côté, il faut comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les pays qui souhaitent, malgré les pressions de Pékin, entretenir de bonnes relations avec …
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