Politique Internationale - Quelles furent vos premières pensées en prenant possession du bureau de Vergennes ?
Philippe Douste-Blazy - Une émotion et un mot. Une émotion, en songeant aux ombres immenses qui avaient hanté ce lieu. Un mot, de Turgot : " La grâce se reçoit avec un mouvement de recul, mais ne se refuse jamais " ! Mais j'ai pensé, aussi, qu'il n'existe pas de limites à ce que la volonté peut accomplir.
P.I. - Une question pour vous situer : quels sont les dirigeants politiques qui vous inspirent le plus de respect ?
Ph. D.-B. - En voici quatre, tels qu'ils me viennent à l'esprit : Ariel Sharon parce qu'il a su s'opposer, douloureusement, à une partie de son propre camp pour inscrire ses convictions dans la réalité et faire un premier pas vers la paix ; Helmut Kohl, pour son œuvre européenne ; Simone Veil, pour l'exemplarité de son parcours et sa dimension éthique ; Mahmoud Abbas, enfin, pour la confiance qu'il a su commencer à tisser entre Palestiniens et Israéliens.
P.I. - On a souvent reproché aux Européens en général - et à la France en particulier - de " gérer le statu quo ", de s'accommoder trop facilement du caractère non démocratique de tels ou tels régimes. Or, récemment, vous avez, avec raison, dénoncé les atteintes à la liberté en Tunisie. Faut-il voir là un " tournant " dans la diplomatie française ?
Ph. D.-B. - Ce n'est pas nouveau. Et ma remarque doit être replacée dans son contexte : un journaliste français, Christophe Boltanski de Libération, venait d'être agressé dans des conditions pour le moins troublantes, à la veille du Sommet mondial sur la société de l'information. Il était donc normal que je marque ma préoccupation face à ces agissements et que je demande que toute la lumière soit faite sur cette agression. Peu de temps auparavant, souvenez-vous, des intellectuels et des militants des droits de l'homme tunisiens, regroupés dans le " mouvement du 18 octobre ", avaient entamé une grève de la faim pour protester contre les abus du régime. J'avais alors prié notre ambassade d'avoir un contact avec les membres du comité de soutien à ce mouvement, ce qui a été fait. J'avais moi-même précisé lors de ma visite à Tunis, le 1er octobre, que la question des droits de l'homme constituait, pour la France, l'un des éléments de son dialogue bilatéral avec la Tunisie. Durant ce déplacement, j'avais tenu à recevoir à l'ambassade le président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, Mokhtar Trifi, ainsi que d'autres représentants de la société civile. La France entend donc être attentive, partout dans le monde, à cette dimension des relations internationales que sont les droits de l'homme.
P.I. - Procéderez-vous de même, désormais, vis-à-vis de pays autrement plus puissants que la Tunisie, comme la Chine ?
Ph. D.-B. - Les droits de l'homme ne sont pas une notion abstraite ; ils doivent s'inscrire dans la vie quotidienne de chacun. Nous développons avec la …
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