Les Grands de ce monde s'expriment dans

DU TERRORISME À LA NÉGOCIATION ?

La victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes du 25 janvier 2006 est-elle de mauvais augure pour la démocratie et la paix dans la région ? Les islamistes peuvent-ils gouverner sans remettre en cause des libertés fondamentales ? Est-il envisageable que le Mouvement de la résistance islamique (1) suive la voie de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), qu'il renonce à la lutte armée et aux actions terroristes pour devenir un parti politique fréquentable et un partenaire fiable en vue d'éventuelles négociations ? Certaines déclarations rassurantes laisseraient penser que le Hamas a finalement choisi la voie du pragmatisme : « Nous sommes dans une période de longue trêve. Celui qui, aujourd'hui, parle de libérer toute la Palestine n'est pas sain d'esprit », expliquait il y a peu Mohamed Touta, numéro un sur la liste de Jérusalem (2). Mais si l'on s'en tient aux propos de Khaled Meshal, chef du bureau politique à Damas, ou à ceux de Mahmoud Zahar (médecin à Gaza, l'un des fondateurs du mouvement et membre de sa direction collégiale), qui excluent de renoncer à la lutte armée, il semble bien que rien n'ait changé chez les radicaux palestiniens. Au-delà des signes et des déclarations contradictoires, une analyse prospective de l'avenir du pouvoir palestinien exige que l'on mette en perspective le programme politique du Hamas, ses objectifs à court et long terme, sa marge de manoeuvre par rapport à son électorat et à son opposition, ainsi que les contraintes que lui imposeront Israël et la communauté internationale et, surtout, l'attitude qu'adopteront ses partenaires et ses adversaires politiques sur la scène palestinienne et israélienne. Pour la formation islamiste et pour les Palestiniens, l'urgence consiste à préserver l'unité nationale. Et c'est sans doute là que réside la contradiction centrale que le Hamas devra résoudre : comment rester fidèle à sa base tout en suscitant un consensus parmi la population palestinienne ?

Le Hamas, compétiteur nationaliste

L'irruption du Hamas sur la scène palestinienne
Contrairement à la plupart des mouvements islamistes qui se sont constitués en opposition aux partis nationalistes au pouvoir depuis l'indépendance, le Hamas opère une synthèse entre islamisme et nationalisme. Les Frères musulmans, implantés en Palestine dès les années 1970, avaient pour objectif principal l'islamisation de la société. Ils se déployaient alors sur le terrain social et éducatif, construisant patiemment des institutions et des réseaux capables de former les générations futures. Une fois islamisées, celles-ci seraient suffisamment solides pour s'atteler à la libération de la terre sacrée. Dans les années 1970 et 1980, le développement des Frères musulmans est perçu plutôt favorablement par Israël qui leur reconnaît le mérite d'occuper le terrain en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, de détourner les Palestiniens de la politique et d'endiguer ainsi l'influence des nationalistes de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

L'éclatement de l'Intifada en décembre 1987 provoque un électrochoc au sein de l'Association des Frères musulmans. Ses membres réalisent que, s'ils se tiennent à l'écart de la révolte, ils perdront tout crédit. Rompant nettement avec le quiétisme qui les …