Le monde indien est, sans nul doute, le réseau le mieux structuré d'Amérique latine. À la différence des organisations politiques, des syndicats ou des mouvements altermondialistes, ce qui unit les Indiens ne repose pas uniquement sur une convergence d'idéaux, d'idéologies ou de revendications, mais sur une identité, un long passé commun et un esprit communautaire séculaire.
Les mouvements indiens investissent désormais un nouvel espace : celui des sphères institutionnelles et du pouvoir politique. En Bolivie, le 18 décembre 2005, le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS), chef de file des « cocaleros » et Indien aymara, Evo Morales, a été élu président avec 53,7 % des suffrages. « Du Mexique à la Bolivie en passant par l'Équateur, partout, nous nous posons la question de la conquête du pouvoir. Culturellement, nous avons gagné, nous sommes invincibles. Nos fêtes, nos langues, nos cultures sont pleinement vivantes », affirmait-il peu après sa victoire (2).
En Équateur, à la suite de soulèvements populaires auxquels a activement participé la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes d'Équateur) présidée par le Quechua Luis Macas, trois présidents ont été destitués : Abdala Bucaram en 1997 ; Jamil Mahuad en 2000 ; et Lucio Gutierrez en 2005.
Au Pérou, l'Indien inca, Ollanta Humala, est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle du 9 avril 2006, avec plus de 30 % des suffrages. Il y a un an, il totalisait à peine 7 % des intentions de vote.
Et en Colombie, grâce à la réforme constitutionnelle de 1991 et à la création de la circonscription spéciale pour les minorités (3), les mouvements indiens ont obtenu quatre représentants à l'Assemblée nationale, huit députés départementaux, quinze maires et cent cinquante-deux conseillers municipaux.
Cette montée en puissance plonge ses racines dans les changements survenus en Amérique latine au cours des deux dernières décennies. Divers facteurs y ont contribué :
- la commémoration, en 1992, des cinq cents ans de la découverte du continent par le marin génois Christophe Colomb - cinq siècles « de pillage et de résistance » selon les mouvements indiens qui clamaient cette année-là « nous ne danserons pas sur la tombe de nos ancêtres » ;
- la reconnaissance, dans certains pays de la région, des Indiens comme citoyens à part entière. Des réformes constitutionnelles leur ont octroyé des droits, leur ouvrant ainsi de nouveaux champs de participation sociale et politique ;
- la mise en place, dans les années 1990, d'une économie ultra-libérale et l'accélération des privatisations - lesquelles accentuent, bien évidemment l'exploitation de la « Pachamama » (la Terre mère) par des compagnies étrangères ;
- le projet américain d'intégration économique continentale, la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques), qui devait initialement entrer en vigueur en janvier 2005. Face à la très forte opposition des opinions publiques, la ZLEA s'est finalement réduite à des négociations bilatérales dans le cadre du TLC (Traité de libre commerce) ;
- le déclin du syndicalisme et des partis idéologiques au profit d'un renforcement de la capacité de mobilisation de …
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