Il a passé l'épreuve mais il est seul. Le 8 avril dernier, le président du Bélarus Alexandre Loukachenko a entamé un troisième mandat de cinq ans à la tête de cette ex-république de l'URSS devenue indépendante en 1991 et peuplée de 10 millions d'habitants. Ce jour-là, à l'occasion de son investiture, il s'est offert un défilé militaire sur la place d'Octobre, celle-là même où, une semaine plus tôt, l'opposition manifestait contre sa réélection. La cérémonie était retransmise à la télévision mais la foule n'était pas conviée. Seuls les membres de l'administration et les fidèles du régime étaient admis dans un centre-ville bloqué par des barrages de police.Après avoir prêté serment, une main sur la Constitution qu'il a réaménagée à sa guise, le président réélu s'est lancé dans l'un de ces longs discours qu'il affectionne. La tentative de révolution des jours précédents avait été « balayée », s'est-il réjoui. À l'en croire, son pays était désormais « immunisé contre le virus de la déstabilisation ». Mais aucun chef d'État étranger n'était présent à la cérémonie, pas même Vladimir Poutine. « L'investiture de Loukachenko s'est faite en présence d'un seul président : lui-même », a écrit la presse russe avec cruauté. Seules capitales à avoir envoyé des félicitations : Pékin, Douchanbé, La Havane, Téhéran et, tout de même, Moscou - une liste qui esquisse une géographie des amis de Loukachenko de par le monde. L'Union européenne et les États-Unis ont, pour leur part, officiellement protesté contre cette parodie de vote.
Il n'en demeure pas moins que, réélu dès le premier tour avec 83 % des voix - grâce au zèle de son administration, qu'il tient d'une main de fer, et à l'issue d'un scrutin qui s'est déroulé dans les conditions les plus inéquitables -, le satrape de Minsk semble assuré de durer au moins jusqu'en 2011. En douze années de pouvoir, le président Loukachenko a fait de sa petite république un bastion qui résiste à toute forme de changement et sur lequel les condamnations occidentales n'ont pas de prise. Le régime bélarusse, régulièrement qualifié par Condoleezza Rice de « dernière dictature d'Europe », offre ainsi l'image d'une certaine solidité. Mais cette stabilité apparente ne doit pas cacher la grande fragilité du statu quo actuel. Le système a des failles qui ne font que se creuser, et il lui sera de plus en plus difficile de poursuivre sur sa lancée.
Réveil de l'opposition
Première brèche : la présidentielle du 19 mars a vu le réveil de l'opposition. Encouragés par l'exemple de la révolution ukrainienne, les militants anti-Loukachenko ont entrepris d'appliquer chez eux les méthodes qui ont fait le succès du soulèvement démocratique de l'hiver 2004 à Kiev. Les multiples partis hostiles au pouvoir ont su se regrouper, plusieurs mois avant le scrutin, autour d'un candidat commun, Alexandre Milinkevitch (1), choisi lors d'un congrès également ouvert aux ONG, tenu à l'automne dernier. Ce professeur de physique à la chevelure blanche, âgé de 58 ans, a ensuite sillonné le pays pour aller à la rencontre …
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