Le grand problème de la diplomatie française, c'est le peu d'intérêt que les Français lui accordent.Les déclinologues professionnels déplorent souvent la perte d'influence de la France à travers le monde. Ils regrettent ses incohérences ou fustigent le manque de moyens de sa politique étrangère. Leurs critiques, certes, ne sont pas infondées, mais le conservatisme qui marque leurs regrets ne suffit pas à nous faire avancer. Et l'une des ambitions de cet article est, précisément, d'identifier les points sur lesquels il conviendrait de réformer notre doctrine ou d'accroître nos moyens. Mais il y a un préalable : je crois qu'il est impossible de mener une politique étrangère puissante et ambitieuse sans susciter l'adhésion de l'opinion publique. Or une partie de la population française et de nos dirigeants craignent l'avenir autant qu'ils redoutent la réforme.
Une politique étrangère, ce n'est pas seulement une accumulation de directives rédigées au Quai d'Orsay et transmises aux ambassades dans le secret des correspondances. Pas plus qu'il ne s'agit exclusivement de mettre en application les ordres tombés du sommet de l'Olympe, de cet Élysée où réside, selon une interprétation discutable de la Constitution, le responsable de nos activités hors Hexagone : le président de la République. Comme si la politique étrangère était sans rapport avec nos activités et nos stratégies intérieures. Si la mondialisation teinte toutes nos décisions sociales ou industrielles, la réciproque est vraie : intérieur et extérieur ne fonctionnent qu'ensemble. La diplomatie de demain se construit comme une affaire citoyenne : elle doit d'abord convaincre chez soi.
Une politique étrangère est un dessein collectif, fondé sur des valeurs communes et nourri par des ambitions partagées ; le reflet d'une société aux opinions diverses ; la résultante des actions individuelles de tous ceux qui se sentent partie prenante au rayonnement d'un pays et véhiculent ses valeurs - des ONG aux ministres, des entrepreneurs aux universitaires, des médecins aux militaires...
Notre action internationale est aujourd'hui trop timide, trop incohérente et trop peu explicitée pour que nous puissions seulement espérer recueillir autour d'elle sinon un élan collectif, au moins un assentiment affirmé.
Nous sommes enfermés dans des débats internes, repliés sur des angoisses obsidionales qui nous conduisent à ne considérer le monde qu'avec une méfiance empreinte de mépris. Pis : alors même que les enjeux qui régissent notre quotidien obéissent de plus en plus à des données internationales, des dirigeants démagogues tentent de nous faire croire que nous pourrions dresser d'improbables frontières pour nous protéger d'un « ailleurs » forcément anxiogène et d'une immigration jugée nocive par principe. Nous refusons de nous adapter parce que nous craignons d'y perdre nos avantages et/ou de nous perdre nous-mêmes. Le « non » français au traité constitutionnel a été révélateur de cette évidence. La perte d'adhésion à l'Europe a entraîné une prévisible perte d'influence de la France à Bruxelles. Les thèses britanniques triomphent, celles-là mêmes que les partisans du refus prétendaient combattre. Que se passe-t-il sur la planète ? La France tient-elle encore son rang?
À peser les forces et les …
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