La principale opération menée actuellement par l'armée française hors de nos frontières ne se déroule ni en Bosnie, ni au Kosovo, ni en Afghanistan. Depuis près de quatre ans, c'est en Côte d'Ivoire que la France a déployé son plus gros contingent - environ 4 000 hommes qui s'efforcent, tant bien que mal, d'empêcher la reprise de la guerre civile.Dans ce pays divisé et meurtri depuis une tentative de coup d'État contre le président Laurent Gbagbo, en septembre 2002, la France est quotidiennement vilipendée par une fraction non négligeable de l'opinion publique. Les « jeunes patriotes » (1), proches du chef de l'État ivoirien, dénoncent son « néo-colonialisme ». En novembre 2004, plusieurs milliers d'entre eux s'en sont pris violemment aux « Blancs », obligeant les soldats de l'opération Licorne à évacuer en catastrophe plus de 8 000 de nos compatriotes. À Abidjan, des militaires français ont été contraints de tirer sur des civils ivoiriens. Les images de ces affrontements devant l'hôtel Ivoire, qui ont fait le tour du continent africain, sont désormais dans tous les esprits. L'histoire se répétera-t-elle demain au Togo, au Gabon ou encore au Tchad ?
Cette question, qui taraude les diplomates du Quai d'Orsay, renvoie à une série d'interrogations plus globales : que fait, aujourd'hui, la France en Afrique ? Pourquoi est-elle prête à s'impliquer de la sorte sur le terrain, alors qu'elle semble n'avoir que des coups à y prendre ? À Paris, on évoque communément la « politique africaine de la France ». Spécificité bien hexagonale, celle-ci est principalement gérée depuis l'Élysée par une « cellule » africaine. Mais en quoi consiste, au juste, cette politique ? Quels sont ses objectifs et ses principes ? Les responsables français le savent-ils eux-mêmes ?
Depuis 1989, la France a dû repenser - bon gré mal gré - ses relations avec le continent dont elle est le plus proche historiquement et géographiquement. Lors d'une première phase qui a duré douze ans (1990-2002), elle a donné le sentiment de chercher à se désengager sur la pointe des pieds du « bourbier » africain. En particulier après le génocide au Rwanda, au printemps 1994, où son intervention continue, plus de dix ans plus tard, de susciter de violentes polémiques, aussi bien à Kigali qu'à Paris. Mais, au lendemain de la réélection de Jacques Chirac, au printemps 2002, elle a paru vouloir effectuer son grand « retour » en Afrique. Aussi, lorsque la crise a éclaté en Côte d'Ivoire, s'est-elle immédiatement investie sur les plans militaire et diplomatique. Sans grand succès jusqu'à présent.
Cette crise a, en tout cas, marqué une rupture et accéléré les réflexions en cours à Paris sur la nécessité de trouver de nouvelles approches : européanisation ? Multilatéralisation ? La France hésite. Mais elle ne devrait pas faire durer trop longtemps cette phase de tâtonnements car d'autres acteurs - notamment la Chine - ont fait, ces derniers temps, une percée fracassante qui met désormais en péril ses intérêts économiques et diplomatiques.
Le temps du désengagement …
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