Les Grands de ce monde s'expriment dans

LE VRAI CREDO DU HAMAS

Cheveux poivre et sel, barbe finement taillée, affichant un large sourire, Ismaël Haniyeh incarne l'aile « pragmatique » du Hamas. Le Mouvement de la résistance islamique, soucieux d'adoucir son image, a choisi cet ancien secrétaire du chef spirituel cheikh Ahmed Yassine pour conduire sa liste aux élections législatives. La victoire écrasante du Hamas est à porter, en grande partie, à son crédit.Cet ancien universitaire de 43 ans, déjà grand-père, dont la famille est originaire de la ville d'Ashkélon dans le sud d'Israël, est né dans le camp de réfugiés miséreux de Chatti, à Gaza, où il vit toujours. Haniyeh a milité au sein de la branche estudiantine des Frères musulmans avant de devenir membre de l'union des étudiants de l'Université islamique entre 1983 et 1984. Il a été emprisonné plusieurs fois par les Israéliens durant la première Intifada (1987-1993).
Connu pour son calme, ses positions réalistes et sa volonté de préserver l'unité de son peuple, ce dirigeant jouit d'une grande popularité au sein du Hamas et entretient de bonnes relations avec les chefs des différentes factions palestiniennes. Il est considéré actuellement, avec Mahmoud Zahar, comme le plus important dirigeant politique du Hamas dans la bande de Gaza. La question est aujourd'hui de savoir s'il sera capable d'imposer à son mouvement une reconnaissance d'Israël - serait-elle implicite - afin d'assurer la survie politique des siens et, surtout, d'éviter que les divers clans palestiniens se livrent à de dévastateurs affrontements fratricides.

Les relations Fatah-Hamas, ainsi que les thèses du Hamas concernant l'État d'Israël, évoluent rapidement. Revirement doctrinal ou tactique ?Nous avons choisi de publier ici, sans la moindre actualisation, l'entretien exclusif que nous a accordé Ismaël Haniyeh au mois de juin. C'était hier...Un document pour l'Histoire.
Patrick Saint-Paul - Certains, au Hamas, affirment qu'Israël est comme un « cancer dans le monde arabe », un « corps étranger » dont il faudrait se débarrasser. Partagez-vous leur avis ?
Ismaël Haniyeh - Nous n'avons pas de secrets, ni de dessein caché. Nous sommes transparents. Nous voulons obtenir la création d'un État palestinien indépendant, qui tienne compte de tous les droits de notre peuple. Lisez notre programme électoral. Il n'y est nulle part question de la destruction d'Israël. Je l'ai dit et répété à plusieurs reprises : nous n'avons pas l'intention de jeter les Juifs à la mer ni de les donner à manger aux requins. Nous voulons réaliser notre projet, ni plus ni moins. Certains ont pu émettre des avis différents. Moi je parle au nom du gouvernement.
P. S.-P. - Ce sont pourtant les mots de votre ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Zahar...
I. H. - Ces déclarations datent d'avant les élections. Aujourd'hui, les choses ont changé : nous sommes au gouvernement et nous avons un programme à appliquer.
P. S.-P. - La communauté internationale, Mahmoud Abbas et Israël exigent de vous trois choses : la reconnaissance de l'État hébreu ; la prise en compte des accords signés par l'Autorité palestinienne ; et la renonciation à la violence armée. Pourquoi ne pas accepter ces conditions ?
I. H. - C'est à la puissance occupante, c'est-à-dire à Israël, que la communauté internationale devrait présenter ses demandes. En procédant à un encerclement politique de l'actuel gouvernement palestinien - et cela depuis le premier jour de sa création -, Israël pensait nous contraindre à renoncer à nos principes. Mais personne n'a le pouvoir de le faire. C'est à Israël de reconnaître les droits des Palestiniens : l'indépendance totale de notre peuple, un État palestinien ayant Jérusalem pour capitale, le retour des réfugiés et la libération de tous nos prisonniers.
P. S.-P. - Le mécanisme mis en place par le Quartette pour le Proche-Orient (1), qui vise à rétablir une partie de l'aide financière internationale en contournant votre gouvernement, permettra-t-il de résoudre la crise dans les Territoires palestiniens ?
I. H. - La communauté internationale a une responsabilité particulière envers le peuple palestinien - un peuple qui, je le répète, vit sous occupation. Elle a commis une erreur en gelant son aide, et elle devra en assumer les conséquences. Nous espérons que le nouveau mécanisme instauré par le Quartette contribuera à atténuer les souffrances provoquées par le blocus économique auquel nous sommes soumis. Mais s'il s'impose aujourd'hui, c'est uniquement parce que les pays européens refusent de coopérer avec le gouvernement palestinien élu démocratiquement. Nous sommes bien obligés de subir ce qu'on nous impose.
P. S.-P. - Combien de temps votre gouvernement peut-il survivre sans aide …