Les Grands de ce monde s'expriment dans

REFONDER LA SÉCURITÉ NATIONALE

L'Europe aborde le xxie siècle avec la tentation de sortir de l'histoire, comme si elle était aspirée par le vide faute de s'adapter à la grande transformation du capitalisme et de la démocratie provoquée par la mondialisation. Sa démographie s'effondre : d'ici à 2050, sa population pourrait diminuer de 54 millions de personnes. Le processus de son intégration a connu un coup d'arrêt spectaculaire avec le rejet du projet de Constitution par les électeurs français et néerlandais en mai et juin 2005 - un rejet qui prive l'Union européenne d'un système de décision légitime et efficace. Sa croissance économique plafonne à 1,5 % par an - tandis que l'activité mondiale progresse chaque année de 4,5 % à 5 % -, ce qui fait d'elle le continent du chômage de masse. Sa capacité de recherche s'étiole, dès lors que 400 000 chercheurs européens travaillent aux États-Unis pour 900 000 en Europe. Enfin, sa sécurité, fondée au temps de la guerre froide sur la garantie américaine et l'équilibre de la terreur nucléaire face à l'Union soviétique, n'est plus assurée : les forces américaines présentes sur le Vieux Continent ont été réduites de 330 000 à moins de 30 000 hommes ; et aucun système de sécurité alternatif n'a été mis en place. Cette situation a ouvert un vaste espace tant aux crises issues de la guerre froide (notamment du fait des éclatements de la Yougoslavie et de l'URSS, qui se sont traduits par la constitution de quinze nouveaux États, dont le dernier en date est le Monténégro, indépendant à la suite du référendum du 21 mai 2006) qu'aux menaces terroristes, matérialisées par les attentats qui ont touché Madrid en 2004 et Londres en 2005.La France ne fait pas exception, qui est devenue l'homme malade de cette Europe décadente. Alors que les démocraties développées et les superpuissances du Sud sont engagées dans une course de vitesse pour répondre à la nouvelle donne mondiale, la France entend sanctuariser les institutions et les comportements de l'économie administrée et de la société fermée des années 1970. En dépit du changement apparemment radical que représente la professionnalisation de l'armée, la politique de défense française se caractérise par la fossilisation de la doctrine, des systèmes de forces, des structures et des mentalités. En résultent de nombreuses tensions qui menacent la sécurité du pays et contribuent à la perte d'influence de Paris sur la scène internationale.
Tension entre, d'une part, un système de défense qui reste structuré autour de la dissuasion nucléaire et un corps de bataille organisé pour la guerre froide et, d'autre part, les nouveaux risques nés de la mondialisation et de la géopolitique du chaos. Cette contradiction se traduit en particulier par une forte vulnérabilité de la population et du territoire aux frappes terroristes.
Tension entre la prétention à incarner une mini-« grande puissance » - avec pour illustration la menace de veto brandie contre les États-Unis à l'ONU lors du déclenchement de l'intervention en Irak - et l'affaiblissement des capacités militaires de la France, nettement …