Le vent des « révolutions de velours » n'en finit plus de souffler sur l'aire post-soviétique. Cette zone est, en effet, soumise à des bouleversements comparables, par leur intensité, à ceux qui aboutirent à l'éclatement de l'URSS en 1991. Véritables « deuxièmes sorties du communisme », les soulèvements populaires qui - en Géorgie (2003) puis en Ukraine (2004) - ont vu le renversement en douceur des vieilles élites au profit d'une nouvelle génération de dirigeants favorables au changement, ont redessiné la carte de l'ex-URSS, traversée depuis peu par une nouvelle ligne de fracture. Celle-ci sépare désormais les États en quête de démocratie et tournés vers l'Occident (Géorgie, Ukraine, Moldavie) de ceux adeptes du modèle autoritaire (Bélarus, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Arménie), restés dans l'orbite russe.Géorgie et Ukraine : la hantise du Kremlin
À Tbilissi comme à Kiev, c'est bien contre ce modèle autoritaire que des dizaines de milliers de manifestants se sont élevés, ulcérés par la corruption et le mensonge des élites, découragés par la confiscation de l'outil économique, révoltés par l'utilisation frauduleuse de leurs suffrages. Donné pour passif, voire inapte à la démocratie, l'électeur de Géorgie et d'Ukraine, débarrassé de son carcan d'Homo sovieticus, a obtenu du pouvoir en place le respect du principal acquis démocratique : le droit de vote. Les bourrages des urnes, les pressions sur les médias et les tentatives d'élimination des opposants n'ont plus fonctionné. Pour une fois, les falsifications électorales orchestrées par les régimes en place ont servi de déclencheurs à leur chute.
Selon un scénario éprouvé lors du renversement de Slobodan Milosevic à Belgrade en 2000, quelques ingrédients sont indispensables au bon déroulement des révolutions : une chaîne de télévision susceptible de relayer les images des protestations de rue ; un mouvement de jeunesse capable de mobiliser la population ; et la présence de nombreuses ONG prodigues en conseils. L'une d'elles, Otpor (« résistance »), un mouvement de jeunes Serbes qui propose désormais ses services pour une « révolution clés en main », a ainsi dispensé son savoir-faire à Tbilissi et à Kiev, réduisant à néant les tentatives russes d'empêcher les révolutions de couleur. L'ingérence de Moscou dans le processus électoral ukrainien - comme l'envoi de conseillers en relations publiques ou le soutien inconditionnel du président Vladimir Poutine au candidat du Parti des régions, Viktor Ianoukovitch - produisit un effet inverse à celui escompté : elle ne fit que précipiter le cours de la révolution orange.
Le processus était révolutionnaire, ses aboutissements le sont moins. À Kiev, le couple orange (Ioulia Timochenko et Viktor Iouchtchenko) a fait long feu (1) et ses promesses électorales - combattre la corruption, en finir avec la gestion opaque du pouvoir, élucider l'assassinat du journaliste Gueorgui Gongadze (2) - sont restées vaines. À Tbilissi, l'opposition géorgienne et les médias n'ont de cesse de dénoncer les accès d'autoritarisme du président Mikhaïl Saakachvili (3). Il n'en demeure pas moins que ces États affichent des acquis démocratiques réels (pluralisme politique, respect des procédures électorales, liberté de la presse) qui …
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