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ALLEMAGNE : LA VOIX DE L'OPPOSITION

Chef de file de l'opposition parlementaire au gouvernement Merkel et président du parti libéral (FDP), Guido Westerwelle a un brillant avenir politique devant lui : assuré d'être « ministrable » si Angela Merkel modifie sa coalition gouvernementale, il caracole avec près de 15 % des intentions de vote. Alors que les grands partis CDU et SPD font face à une érosion de leurs troupes, son FDP recrute chaque jour de nouveaux adhérents. Cet avocat rhénan à cheval sur les bonnes manières et toujours tiré à quatre épingles serait aujourd'hui vice-chancelier et peut-être ministre de l'Économie (comme l'avait été avant lui, dans les années 1980, un célèbre libéral, le comte Otto Lambsdorff) si la CDU de Mme Merkel avait obtenu davantage qu'un malheureux point d'avance sur Gerhard Schröder aux législatives de septembre 2005 et avait pu former avec le FDP une coalition de centre droit. Le FDP avait réalisé lors de ce scrutin un score remarquable pour un petit parti, frôlant la barre des 10 % des suffrages.
Né le 27 décembre 1961 à Bad Honnef près de Bonn, Westerwelle a fait ses études secondaires et supérieures dans l'ancienne capitale de la RFA et à Düsseldorf. Il adhère au FDP dès 1980, avant de se lancer dans des études de droit qui le mèneront, en 1991, jusqu'au doctorat. Il est rapidement nommé à la tête des Jeunes libéraux (1983-1988), avant d'entrer à la présidence du FDP en 1988 et d'en devenir secrétaire général (1994-2001), puis président (2001). Il est également président du groupe parlementaire libéral depuis 2006. Auteur de nombreuses publications juridiques et politiques, il a écrit un livre remarqué, intitulé Neuland. Die Zukunft des deutschen Liberalismus (Terre nouvelle. L'avenir du libéralisme allemand, Éditions ECON Verlag, Munich, 1999).

Jean-Paul Picaper - Aimez-vous encore Angela Merkel ? Celle qui fut votre partenaire dans la campagne électorale 2005 est désormais devenue votre adversaire (1).
Guido Westerwelle - Rien n'a changé, j'éprouve toujours de la sympathie pour Angela Merkel. Je suis content que la communauté internationale lui voue tant d'attention et l'apprécie tellement. Cela dit, je suis convaincu que ce que nous avons déclaré tous les deux avant les élections de l'année dernière reste valable aujourd'hui : l'Allemagne a besoin de moins de bureaucratie et de plus d'économie sociale de marché. Malheureusement, le gouvernement de la chancelière Merkel a pris le chemin inverse : au lieu de libérer la société de ses pesanteurs, il s'oriente vers un alourdissement des charges fiscales et un endettement record.
J.-P. P. - Mme Merkel voulait encourager l'initiative privée, mais son partenaire à la tête du SPD, le social-démocrate Kurt Beck, a plaidé en faveur d'un renforcement de l'État. Pensez-vous qu'une telle politique peut apporter une solution à la crise alors que l'économie allemande croule sous le poids des fonctionnaires, des chômeurs et des retraités ?
G. W. - Nous sommes engagés dans une compétition mondiale pour l'attribution des sites de production : ceux qui remporteront la mise sont ceux qui ont le moins d'impôts, les charges patronales les moins lourdes et les procédures d'autorisation les plus rapides. Puisque nous sommes plus chers que nos concurrents, en Asie par exemple - et notre objectif ne doit évidemment pas être de nous battre sur ce terrain-là -, alors il nous faut être meilleurs qu'eux. L'Allemagne est le pays des penseurs et des poètes, paraît-il, mais c'est aussi celui des techniciens. L'intelligence est notre matière première, et on l'encourage trop peu. Nous vendons à l'étranger des nouvelles technologies sans prendre la peine de les implanter chez nous.
J.-P. P. - Supposons que votre parti ait formé une coalition gouvernementale avec Mme Merkel. Qu'auriez-vous fait ?
G. W. - La première chose que nous aurions décidée aurait été de voter un régime fiscal plus léger, plus simple et plus juste - comme l'a fait, il n'y a pas si longtemps, l'Autriche avec des résultats impressionnants sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance économique. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur nos voisins européens qui ont adopté des réformes libérales. Ces réformes leur ont permis de réduire de moitié leur chômage. Le sous-emploi n'est pas une malédiction divine ; ce n'est pas non plus une loi naturelle dans les pays hautement développés ; c'est, pour une grande part, le résultat d'une mauvaise politique.
J.-P. P. - Quand avez-vous rencontré Mme Merkel pour la dernière fois ?
G. W. - Il n'y a pas plus d'une heure. Nous nous entretenons régulièrement. Nous avons de bonnes conversations ensemble et nous ne nous voyons pas seulement lors des débats au Bundestag.
J.-P. P. - L'actuelle coalition gouvernementale ne sera pas éternelle. Seriez-vous prêt à partager le pouvoir dans une constellation incluant l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et les Verts ? …