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DEBRIEFING APRES LA BATAILLE

Patrick Saint-Paul - Pensez-vous, comme de nombreux Israéliens, que le fait qu'Israël n'ait pas été capable de remporter une victoire décisive au Liban équivaut à une défaite de Tsahal ?
Ami Ayalon - La victoire ne se mesure pas au nombre d'ennemis que nous avons tués, ni à l'étendue des territoires que nous avons conquis. La victoire se mesure à notre capacité de créer une meilleure situation politique, grâce à une opération militaire. Certes, nous n'avons pas gagné cette guerre, mais nous ne l'avons pas perdue non plus : si nos deux prisonniers sont libérés et si la résolution 1701 (1) est appliquée pleinement, nous pourrons légitimement considérer que nous l'avons emporté. Ce qui ne retire rien aux erreurs que nous avons commises.
P. S.-P. - Lesquelles ?
A. A. - Comme je vous le disais à l'instant, notre objectif consistait à enclencher un processus permettant de créer une meilleure situation politique. Or après une semaine de combats, ce but avait été atteint. Le G8 avait voté une résolution très favorable à Israël. Les Arabes sunnites étaient derrière nous. L'Arabie saoudite, l'Égypte, la Jordanie et la Turquie avaient toutes pris position contre le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Et le premier ministre du Liban, Fouad Siniora, nous suppliait de lui accorder un cessez-le-feu. Il se disait enfin prêt à déployer ses troupes à la frontière sud du Liban et à s'engager à faire appliquer la résolution 1559 de l'ONU qui prévoit le désarmement du Hezbollah. Au bout de huit jours de guerre aérienne, Israël n'avait pas encore jeté toutes ses forces dans la bataille et avait subi peu de pertes. Sa capacité de dissuasion n'avait pas été entamée. Quant au Hezbollah, il passait, au Liban et dans de nombreux pays arabes, pour le mauvais joueur. Car le Hezbollah possède deux visages : d'un côté, c'est un mouvement chiite extrémiste et, de l'autre, un parti national libanais. En décidant d'envoyer des forces terrestres au Liban, nous avons renforcé la légitimité du Hezbollah en tant qu'organisation nationale libanaise. D'ailleurs, il a suffi que nous lancions cette offensive pour que la couleur des sondages change. La plupart des Libanais ont alors commencé à soutenir l'enlèvement de nos deux soldats. Et la plupart d'entre eux ont déclaré qu'ils seraient prêts à combattre aux côtés du Hezbollah pour contrer l'avancée des soldats israéliens dans l'hypothèse d'une opération au sol d'envergure. Dès lors, nous avons été perçus comme des conquérants et des envahisseurs. Rétrospectivement, je pense que cette opération terrestre a été une erreur. Lorsqu'on possède un outil militaire performant et que l'on décide de l'utiliser contre le Hezbollah, il faut le faire de façon professionnelle, avec un plan, un ordre de bataille et une mission clairement définie. Cela n'a pas été le cas.
P. S.-P. - Le combat de Tsahal dans les Territoires palestiniens n'avait-il pas émoussé sa force de frappe ?
A. A. - La Casbah de Naplouse, en Cisjordanie, n'est pas la Casbah de Bint Jbeil, au Sud-Liban. Dans la Casbah de Naplouse, …