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INDE : LA PUISSANCE, POUR QUOI FAIRE ?

L'Inde s'installe peu à peu dans ses habits neufs de puissance émergente (1). Cette notion - la puissance - est protéiforme, c'est connu ; mais l'Inde tend aujourd'hui à en vérifier tous les critères : stratégico-militaires, économiques, démographiques et même culturels et politiques. Si elle s'affirme ainsi dans tous les compartiments du jeu, c'est grâce à un art consommé du volontarisme : elle aspire à la puissance à la fois pour dominer sa région et pour s'imposer dans ce qu'il est convenu d'appeler la cour des grands. Mais que veut-elle faire de cette puissance ? Quelle vision cette quête porte-t-elle ? Ces questions rencontrent généralement en Inde un silence assourdissant comme si la réponse se trouvait dans les non-dits d'une élite éprise à la fois de realpolitik et de nationalisme.Les attributs de la puissance indienne
Géostratégie et force de frappe militaire
Aux niveaux stratégique et militaire, le symbole de la volonté de puissance qui anime l'Inde est, naturellement, l'essai nucléaire de mai 1998. Ce geste a hissé le pays au rang d'acteur nucléaire de fait, sinon de droit. Huit ans plus tard, il est facile de mesurer le chemin parcouru car New Delhi jouit aujourd'hui d'une reconnaissance internationale bien supérieure à son statut antérieur, même si elle dispose probablement de moins d'une centaine de têtes nucléaires.
Mais l'effort de modernisation de son armée, forte de 1 350 000 hommes, ne s'arrête pas là. En termes budgétaires, cet effort s'établit autour de 2,3 % du PNB depuis 1994 - alors que le taux de croissance atteint les 7-8 % depuis trois ans. Ces dépenses ont, notamment, permis de doter les forces navales de six sous-marins de fabrication française (les Scorpènes) et d'un porte-avions russe en cours de modernisation. Elles ont, aussi, financé un programme balistique très ambitieux : les missiles Prithvi, d'une portée de 150 à 200 km, et Agni 2, d'une portée de 2 000 km, sont déjà opérationnels. Ils devraient bientôt être rejoints par l'Agni 3, d'une portée de 3 000 km. L'Inde a, en outre, fait l'acquisition, auprès d'Israël, d'un système radar Phalcon des plus sophistiqués qui équipera bientôt des Iliouchine russes.
New Delhi possédera donc à très court terme une force de projection et toute une batterie de vecteurs capables d'emporter une charge nucléaire - ce à quoi sa flotte de MIGs, de Sukhoïs et de Mirages se prête également, bien entendu. Ainsi pourvu, le pays peut prétendre au statut de gendarme de l'océan Indien et tenir en respect ses adversaires asiatiques : le Pakistan, mais aussi la Chine. Ce potentiel conforte les États-Unis dans l'idée que l'Inde pourrait bien être le contrepoids à la Chine qu'ils cherchent en Asie.
Pays émergent et géant du « high tech »
La force de frappe nouvelle de l'Inde a été rendue possible par les importantes marges financières dues à l'accélération de la croissance économique qui a fait passer le PNB indien devant celui de la Russie en 2002. Alors que, de 1950 à 1980, le pays enregistrait en moyenne …