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LES HABITS NEUFS DE LA DIPLOMATIE ITALIENNE

À cinquante-sept ans, Massimo D'Alema est l'un des hommes politiques les plus marquants de la scène italienne.Vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement formé le 17 mai dernier par Romano Prodi, il s'est engagé, dès son entrée en fonctions, dans de nombreux dossiers « chauds », au premier rang desquels la recherche d'un règlement au Proche-Orient.
Né à Rome le 20 avril 1949, le futur ministre a suivi des études de philosophie à l'École normale de Pise avant de quitter l'Université pour se dédier entièrement à l'engagement politique.
Fils de Giuseppe D'Alema, l'un des chefs de la résistance italienne pendant la Seconde Guerre mondiale et ancien dirigeant du Parti communiste, il se lance très jeune dans l'action politique : militant des Jeunesses communistes dès l'âge de quatorze ans, inscrit au PCI à dix-neuf ans, il gravit rapidement tous les échelons au sein du Parti communiste : il intègre le Comité central à trente ans et la direction nationale quatre ans plus tard. Élu député de Gallipoli (Pouilles) en 1987 et réélu sans interruption dans sa circonscription depuis cette date, il dirige un temps (1988-1990) le quotidien communiste L'Unità. En 1989, il participe activement à la transformation du PCI en une formation orientée vers la social-démocratie : le Parti démocratique de la gauche (PDS).
De février à novembre 1997, il préside la Commission bicamérale. Celle-ci, avec le concours de tous les groupes politiques, élaborera un projet complet de réforme de la Constitution de 1948 - projet qui, ensuite, n'obtiendra pas l'approbation du Parlement. En février 1998, D'Alema devient secrétaire national d'un nouveau parti d'inspiration réformiste : les Démocrates de gauche (DS). Il quittera cette fonction en octobre de la même année quand, après la chute du premier gouvernement Prodi à cause de la perte de l'appui parlementaire de Refondation communiste, il devient président du Conseil. En avril 2000, après une défaite du centre gauche aux élections régionales, il présente sa démission en tant que chef du gouvernement.
Six mois plus tard, en décembre, Massimo D'Alema devient le président des Démocrates de gauche. Les DS sont aujourd'hui la deuxième formation politique du pays (avec 17,5 % des voix aux législatives d'avril dernier) derrière Forza Italia, le parti de centre droit de Silvio Berlusconi. Il est également, depuis octobre 2003, vice-président de l'Internationale socialiste.
Après la victoire du centre gauche aux élections législatives des 14 et 15 avril dernier, il a été candidat à la présidence de la Chambre des députés. Son nom a également circulé pour succéder à Carlo Azeglio Ciampi à la présidence de la République. Mais c'est Fausto Bertinotti (leader de Refondation communiste, formation née du défunt PCI et regroupant une partie des marxistes « orthodoxes ») qui a été élu à la présidence de la Chambre, pour des raisons liées aux équilibres internes de la coalition. Et le Démocrate de gauche Giorgio Napolitano s'est installé dans le palais du Quirinal : ayant déjà occupé plusieurs rôles institutionnels au cours de sa longue carrière politique, il a été considéré comme étant plus conforme à cette charge.
Doté d'une ironie mordante, Massimo D'Alema, homme d'appareil rompu aux arcanes de la politique, est un leader alerte et habile, excellent orateur et fin manoeuvrier. Il a développé ses contacts internationaux depuis des années, à la fois en tant que leader de son parti et en sa qualité de vice-président de l'Internationale socialiste. Par surcroît, député européen de juin 2004 à avril 2006, il a présidé la délégation pour les relations avec le Mercosur.
Romano Prodi tient beaucoup à sa présence au sein du gouvernement. Les deux hommes se sont engagés ensemble dans la fondation du « Parti démocratique », qui vise à conjuguer dans un cadre unitaire les différentes traditions politiques et culturelles du réformisme italien. Silvio Berlusconi, pour sa part, le considère comme l'homme le plus intelligent de la gauche italienne... ce qui ne l'a pas empêché de s'opposer à son élection au Quirinal. Le « Cavaliere » a fait valoir que ce poste était fait pour un homme de médiation, pas pour un combattant.

Richard Heuzé - Vous n'avez été élu ni au Quirinal ni à la tête de la Chambre des députés. En éprouvez-vous, aujourd'hui encore, quelque ressentiment ?
Massimo D'Alema - Je n'étais pas candidat au Quirinal - d'ailleurs, pour cette charge, il n'y a jamais de candidature déclarée (1). Je ne l'ai été qu'à la présidence de la Chambre. La majorité parlementaire en a décidé autrement. Elle a estimé que sa cohésion serait renforcée si une autre personnalité - Fausto Bertinotti, le leader de Refondation communiste - occupait le « perchoir ». Je me suis rangé à cette solution et je félicite sincèrement mon collègue. En ce qui me concerne, il ne fait pas de doute que les responsabilités dont je suis aujourd'hui chargé sont celles qui me passionnent le plus. Quand j'étais dans l'opposition, je me suis toujours occupé de politique étrangère. Et, en tant que vice-président de l'Internationale socialiste, je me suis également beaucoup intéressé à ces questions. En un mot, j'étais prêt pour ce poste !
R. H. - Quel est l'acte le plus significatif que vous ayez accompli depuis votre arrivée à la tête de la diplomatie italienne ?
M. D. - J'estime conduire une politique cohérente, faite de nombreux choix significatifs. Premier de ces choix : retirer nos troupes d'Irak (2). Cette décision n'a pas été simple à prendre. Elle aurait pu détériorer nos relations avec notre allié américain. Mais, en fait, l'Italie ne disparaît pas purement et simplement d'Irak. La vérité, c'est que nous avons souhaité requalifier notre rôle dans la région. À la présence armée doit se substituer une coopération politique et économique. À cette fin, nous sommes entrés directement en rapport avec le gouvernement irakien. Je crois qu'il était juste de négocier d'abord avec les Irakiens et, seulement ensuite, avec Washington. Aux Américains nous avons proposé une collaboration de type nouveau. Ils savent très bien que nous n'avons jamais partagé leur unilatéralisme. D'après nous, l'Italie ne doit participer à aucune « coalition de volontaires » (3). Nous estimons même qu'il ne devrait pas en exister et que le droit international, seul, devrait prévaloir. En revanche, nous sommes tout à fait disposés à élaborer avec les États-Unis de nouveaux rapports - des rapports fondés sur le multilatéralisme et sur une véritable coopération entre Washington et l'Union européenne. Il est indéniable que cette dernière doit assumer sa part de responsabilité dans les affaires internationales. Aussi avons-nous choisi de nous retirer d'Irak sans pour autant réduire notre engagement dans la région. À nos yeux, il s'agit là d'un geste emblématique.
R. H. - Cet été, l'intensité avec laquelle l'Italie s'est impliquée dans la recherche d'une solution visant à mettre fin aux hostilités dans le Liban-Sud a beaucoup surpris. Votre gouvernement a d'abord convoqué à Rome une conférence internationale sur le Proche-Orient, tenue le 26 juillet, puis annoncé qu'il enverrait quelque 2 500 hommes participer à la force des Casques bleus au Liban-Sud, la Finul. À quoi cette ardeur est-elle due ?
M. D. - J'ai estimé …