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NEGOCIER A TOUT PRIX

Emmanuel Halperin - La guerre du Liban a-t-elle été un échec des renseignements israéliens ?
Efraïm Halévy - Non. Nous disposions de quantité d'informations sur l'armement du Hezbollah : sur ses armes antichars, sur ses roquettes, sur leur portée. Sans doute ignorions-nous, ici et là, quelques détails concernant un type d'arme particulier. Mais, dans l'ensemble, nous étions très bien renseignés. Et nous savions aussi que le Hezbollah avait l'intention d'enlever des soldats. Ce que le conflit a révélé, ce sont des insuffisances et des erreurs d'appréciation sur le déroulement des opérations. Il est vrai que cette guerre n'avait pas été préparée à l'avance et qu'elle a été déclenchée à la suite d'une provocation du Hezbollah. Au départ, l'armée avait des objectifs limités. Il est possible que certains membres du gouvernement aient voulu aller plus loin, mais à ce stade rien ne permet de l'affirmer. L'enquête en cours permettra, je l'espère, d'y voir plus clair et de faire la part des responsabilités. E. H. - Depuis quelques années, n'aviez-vous pas négligé le Hezbollah en raison des efforts prioritaires du Mossad, du Shin Beth et de l'armée en direction des organisations palestiniennes ?
E. H. - Pas du tout. Le Hezbollah a toujours été au premier plan de nos préoccupations. Les renseignements collectés ont notamment permis à l'aviation israélienne de cibler ses objectifs avec une très grande précision au tout début de la guerre et de détruire la plupart des fusées à longue portée. Les services de renseignement n'ont jamais prétendu qu'il serait possible de neutraliser complètement la puissance de feu du Hezbollah. E. H. - Saviez-vous que l'Iran était à ce point engagé au Liban, en particulier dans l'entraînement du Hezbollah ?
E. H. - Nous savons depuis toujours que le Hezbollah est une émanation de l'Iran : au sein même du Conseil du Hezbollah siègent des représentants iraniens qui participent aux débats et exercent une influence déterminante. Nous savions aussi que des éléments des Gardiens de la révolution iranienne étaient stationnés au Liban. Nous estimions enfin que l'usage de certains types d'armement ne pouvait être décidé sans le feu vert de Téhéran. Depuis vingt-sept ans, en effet, l'Iran avait investi des moyens colossaux dans l'armement du Hezbollah... E. H. - C'est-à-dire, selon vous, avant même la guerre du Liban de 1982 ?
E. H. - Oui. Les Iraniens ont commencé à lui apporter une aide matérielle dès 1979-1980. La première initiative du Hezbollah au Liban, avant la guerre de 1982, a été d'acheter un grand nombre d'exploitations agricoles et de pharmacies dans le Sud. E. H. - Autrement dit, de s'assurer le contrôle de l'économie et de la santé dans cette région ?
E. H. - Exact. C'est un fait que la guerre du Liban, en 1982, a eu pour effet pervers d'accroître l'engagement iranien. L'opération israélienne visait à mettre fin à la présence armée palestinienne au Sud-Liban - une région que nous appelions alors le Fatahland. Or le succès de Tsahal a créé un vide qui n'a pas été …