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AUSTRALIE: UN «SHERIF ADJOINT» AMBITIEUX

À force de jouer des coudes pour se positionner sur l'« axe du bien » anglo-américain, à force de tout faire pour gagner du galon et passer du statut de supplétif à celui de « shérif adjoint », l'Australie irrite. Ses voisins, rassemblés au sein du Forum des îles du Pacifique, ne cachent guère leur agacement devant l'arrogance de Canberra qui considère l'Océanie comme son « pré carré ». D'autres pays, aussi bien asiatiques qu'européens, ainsi que de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme s'offusquent de plus en plus ouvertement du « bushisme océanien » de John Howard, le libéral premier ministre australien au pouvoir depuis 1996 (1).Pour autant, le « long partenariat » vanté par George Bush ne doit pas convaincre d'un alignement inconditionnel de Canberra sur Washington. Certes, les deux pays partagent des valeurs politiques et économiques communes ; certes, les conflits du xxe siècle ont vu Américains et Australiens combattre au coude à coude en Europe, dans la mer de Corail, en Corée et au Vietnam ; certes, encore, la fidélité de John Howard envers George W. Bush et son adhésion à la rhétorique états-unienne post-11 Septembre ne sont pas sans rappeler celles de Tony Blair... Mais l'Australie est en train de prouver que sa diplomatie sait quitter le sillage du Département d'État et emprunter une route qui lui soit propre. L'Australie n'est plus seulement une « petite puissance qui cherche un pré carré » (2). Elle affiche, de plus en plus ouvertement, son ambition de devenir, à l'horizon 2015, une grande puissance régionale, soucieuse, avant tout, de défendre son « intérêt national » (3).
L'axe américano-australien
La défaite républicaine aux élections de mi-mandat, le 7 novembre dernier, n'a guère surpris en Australie. Une partie de l'opinion publique s'est même réjouie de la rebuffade des électeurs américains. Mais le gouvernement, lui, a voulu montrer qu'il restait un allié indéfectible de l'administration Bush. Dès le 9 novembre, John Howard décidait d'exhorter le président américain à maintenir le cap en Irak : « Je vais lui dire que, selon l'Australie, il ne serait dans l'intérêt de personne, à l'exception des terroristes, que la coalition parte dans un contexte de défaite » (4). Peu après, alors qu'on venait d'apprendre la démission de Donald Rumsfeld, le ministre américain de la Défense, c'était au tour de Brendan Nelson, son homologue australien, de rendre un hommage appuyé à un « champion de la liberté », de préciser qu'il avait « vraiment apprécié de travailler avec lui » et d'assurer que le revers républicain ne modifiait en rien l'engagement de Canberra en Irak et en Afghanistan.
Ces marques de fidélité envers l'équipe Bush faisaient écho aux mots chaleureux de John Howard en visite à la Maison Blanche, en mai 2006 : « J'admire, avait-il lancé à George Bush qui venait d'encenser "la vaillante Australie", le leadership, le courage et la détermination dont vous faites preuve. Vous avez réaffirmé avec force et clarté les grandes valeurs des États-Unis. Le monde a besoin d'un …