CONGO-KINSHASA: LE MIRACULE DE L'AFRIQUE?

n° 114 - Hiver 2007

Le fait est suffisamment rare en Afrique pour être souligné : pour une fois, les Cassandres ont eu tort. La république démocratique du Congo a réussi à mener à bien des élections générales qui se sont conclues par la victoire du président sortant, Joseph Kabila Kabange, vainqueur avec 58 % des voix contre 42 % à son rival Jean-Pierre Bemba. Le second tour de l'élection présidentielle s'est accompagné d'un scrutin au niveau provincial tandis que le premier tour a été couplé aux législatives. À tous les niveaux de consultation, le choix des électeurs a profondément renouvelé la classe politique congolaise.
La RDC est désormais dotée d'une Constitution, ratifiée par référendum fin 2005. Le corps électoral est composé de 25 millions d'individus dûment enregistrés et dotés d'une carte d'électeur qui leur tient lieu de carte d'identité - ce qui n'est pas une mince prouesse dans un pays qui n'a plus connu de recensement depuis des décennies et où les registres d'état civil avaient cessé d'être tenus à jour.
Cette nouvelle Constitution, approuvée par 86 % des votants, instaure un régime semi-présidentiel : élu pour cinq ans au suffrage universel direct, le chef de l'État exerce le pouvoir aux côtés d'un premier ministre choisi au sein de la majorité parlementaire.
Alors qu'à 35 ans Joseph Kabila demeure le plus jeune président d'Afrique, le poste sensible de chef du gouvernement est occupé par un « ancien », Antoine Gizenga, un homme qui a dépassé les 80 ans ! Aux yeux de nombreux Congolais, Antoine Gizenga est un véritable monument historique : en 1960, il a été le vice-premier ministre de Patrice Lumumba. Par la suite, Gizenga n'a jamais accepté de pactiser avec le président Mobutu, pas plus d'ailleurs que son ancien compagnon d'armes, Laurent-Désiré Kabila, père de Joseph, qui avait ouvert un maquis du côté de Fizi Baraka, sur la frontière tanzanienne. Cette longue résistance jalonnée d'arrestations, de séjours en URSS, en Angola et en Belgique, un mode de vie monacal et une idéologie nationaliste intacte ont fait d'Antoine Gizenga un personnage quasi mythique. Vénéré par les militants de sa formation, le Parti lumumbiste unifié (PALU), et respecté par l'ensemble de la population, il a recueilli 14 % des suffrages au premier tour de la présidentielle.
L'électorat congolais, sensible aux symboles et avide de réconciliation, semble apprécier le fait que l'AMP (Alliance pour une majorité présidentielle), qui a conduit Kabila à la victoire et compte 300 députés sur 500, soit disposée à partager le pouvoir non seulement avec Gizenga, mais aussi avec Nzanga Mobutu, le jeune fils du défunt président. Ce dernier, à la tête de l'UDEMO (Union démocratique des mobutistes), a remporté 4 % des suffrages au premier tour. Il se réfère non pas aux dernières années du règne paternel, marquées par la corruption et le désordre, mais à l'idéal nationaliste et unitariste qui animait le jeune colonel Mobutu au début de sa carrière, alors qu'il était encore l'ami personnel de Lumumba...
Le pacte entre Kabila et ses nouveaux alliés avait été …