Les Grands de ce monde s'expriment dans

POLOGNE: UN NOUVEAU

Françoise Pons - Monsieur le Premier ministre, vous formez avec votre frère jumeau, le président Lech Kaczynski, un tandem unique au monde. Face à cette dyarchie familiale, certains observateurs pointent un risque de manque de transparence démocratique. Votre frère lui-même aurait déclaré, en 2005, que votre nomination au poste de premier ministre aurait été « déplacée »...

Jaroslaw Kaczynski - Je ne l'imagine pas avoir dit une chose pareille ! En réalité, c'est moi qui ai refusé de prendre la tête du gouvernement, et Lech m'en a beaucoup voulu à l'époque. Je tenais à ce que mon frère devienne président car je considère qu'il est fait pour ce job. Il possède le savoir, les convictions et la détermination indispensables à l'exercice de la fonction présidentielle. Or j'étais persuadé que si je devenais premier ministre, mon frère ne serait pas élu président. D'où mon retrait.
Quant au reproche de manque de transparence, je peux vous affirmer que notre situation personnelle n'a aucune incidence sur le fonctionnement démocratique des institutions polonaises. La question ne se pose même pas. Le gros avantage de notre « tandem », pour reprendre votre expression, c'est que nous évitons ainsi les sempiternelles querelles au sommet de l'État !

F. P. - En quoi vous distinguez-vous l'un de l'autre ?

J. K. - Nos parcours sont significativement différents. En 1971, mon frère Lech a quitté Varsovie pour s'installer à Sopot près de Gdansk, où il enseignait le droit du travail à l'université. Il était membre des syndicats illégaux ; c'est ainsi qu'on appelait l'opposition qui s'était organisée avant les grèves d'août 1980. Il donnait des cours aux ouvriers des syndicats libres des chantiers navals et il avait comme élève un certain Walesa qui, déjà, faisait preuve de qualités hors du commun. Nous en parlions souvent. Mon frère a très vite pris du galon : en 1989, il est devenu le bras droit de Walesa. C'est lui qui, en pratique, dirigeait le syndicat Solidarnosc car Walesa n'était pas en mesure d'animer tout seul une structure aussi vaste.
Pendant très longtemps, mon frère n'a pas fait de politique au sens classique du terme. En Pologne, on dit souvent du premier parti que j'ai fondé que c'est le « parti des frères Kaczynski », mais c'est faux. Entente Centre (Porozumienie Centrum) était uniquement mon parti. Lech n'en a jamais été membre. Il n'a même jamais entretenu de relations étroites avec ce parti, bien qu'il ait été élu député sous son étiquette. Lech a été nommé président de la Chambre suprême de contrôle (1) : il était apprécié de tous pour son dévouement. Sa réputation d'impartialité et ses compétences professionnelles lui ont même valu d'être pressenti à la fonction de chef du gouvernement des spécialistes (2). Mais il conservait un profil bas. En 1995, il est revenu à l'université. Lorsque, en 2000, le premier ministre Jerzy Buzek lui a confié le portefeuille de la Justice, il s'est engagé plus vigoureusement dans la lutte anti-criminalité, qui constituait l'un des volets essentiels du programme …