Antoine Jacob - Décennie après décennie, le « modèle » social suédois continue à être dépeint comme un système perfectionné, équilibré et facilement adaptable, où un État-providence généreux et une économie compétitive se côtoient dans une relative harmonie. Des délégations étrangères, françaises en particulier, viennent régulièrement observer cet ensemble pour en comprendre les mécanismes et, si possible, s'en inspirer. Comment définiriez-vous ce modèle et qu'est-ce qui, selon vous, en fait la force ?
Fredrik Reinfeldt - Pour moi, ce modèle n'est pas spécifiquement suédois ; il serait plutôt nordique. On peut d'ailleurs se demander jusqu'à quel point il s'agit vraiment d'un « modèle » car, par définition, le modèle est imposé d'en haut. Les gens doivent s'adapter à ce qu'on leur propose. Or cette vision ne correspond pas à ma conception de la politique. Je pense que les choix des individus doivent infléchir les décisions politiques. Cela dit, il est vrai que les pays d'Europe du Nord présentent des traits communs.
D'abord, un marché du travail qui s'appuie sur les partenaires sociaux. Ce sont les employeurs et les représentants du personnel qui fixent, ensemble, le montant des salaires et des cotisations (chômage, maladie). En Suède ce système est lié à la structure du tissu industriel, dominé par les grandes entreprises. Certains regrettent, en particulier dans les partis de centre droit, que cette coopération entre grandes entreprises et pouvoirs publics se fasse au détriment des petites entreprises. C'est l'un des points que mon gouvernement veut corriger.
Ensuite, ce « modèle » a donné aux femmes la possibilité de travailler presque autant que les hommes. C'est un élément décisif, qui distingue nettement les pays scandinaves du reste de l'Europe. Conséquence de ce fort taux d'activité : on ne peut pas attendre des femmes qu'elles supportent, seules, le travail domestique et l'éducation des enfants. Il faut les y aider et revoir la traditionnelle répartition des tâches entre hommes et femmes.
A. J. - L'égalité des sexes est-elle vraiment aussi ancrée dans les mentalités qu'on le prétend ?
F. R. - Les Suédoises vous le diraient : il reste beaucoup à faire. Nombreuses sont celles qui continuent de devoir effectuer une double journée : au travail et, le soir, à la maison. Mais la Suède a mis en place une politique de prise en charge des enfants qui aide grandement les femmes à réussir leur vie professionnelle et à conquérir leur indépendance. Celles qui sont confrontées à des difficultés dans leur couple ont la possibilité de s'en aller et de se prendre en main, sans dépendre financièrement d'un homme. Mais il y a parfois loin de la théorie à la pratique. Car celles qui sont amenées à prendre ce genre de décisions sont aussi celles qui sont atteintes par une sorte de nouvelle pauvreté. Elles ont du mal à s'en sortir sur le plan matériel et elles continuent à s'occuper davantage des enfants que les hommes. C'est pourquoi nous insistons sur la nécessité de permettre au plus grand nombre possible de femmes d'accéder au …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles