Les Grands de ce monde s'expriment dans

RUSSIE: LES HOMMES DU PRESIDENT

À la fin des années Eltsine (1991-1999), le cercle du pouvoir en Russie se résumait à un petit groupe composé des proches du président et de quelques oligarques - un groupe que la verve populaire avait ironiquement surnommé la « Famille ». Avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il y a sept ans, une nouvelle caste de dirigeants a vu le jour : celle des siloviki, c'est-à-dire les « hommes en uniforme » (1). Issus, pour la plupart, du KGB et de son successeur le FSB (tout comme le président, qui y a travaillé pendant dix-sept ans), ces hommes sont aujourd'hui présents aux plus hauts échelons du pouvoir : administration présidentielle, gouvernement, régions. Par surcroît, ils se partagent, depuis peu, les secteurs les plus rentables de l'économie. Omniprésence des « services »
Une emprise constante sur la société
Partiellement démantelé au moment de la transition en 1992 (2), le KGB (Comité de la sécurité de l'État) est associé aux pages les plus noires de l'histoire de l'URSS. Baptisé tour à tour Vetcheka, GPOu, NKVD, MGB et KGB, ce service sinistre a orchestré la collectivisation des terres en 1929, les purges de la fin des années 1930 et les déportations de millions de citoyens soviétiques durant toute l'époque stalinienne, sans oublier la traque des dissidents dans les années 1970-1980. Véritable police des moeurs et de la pensée, le KGB devait contribuer, par la peur et la répression, à forger cet « homme nouveau » qu'avait imaginé le projet bolchevique. Tout-puissant, il se trouvait « au-dessus de tout ce qui vit », pour reprendre la formule d'Alexandre Soljenitsyne.
En ce début de xxie siècle, son descendant direct, le FSB (Service fédéral de sécurité), est lui aussi omniprésent. Au Parquet, il s'est constitué partie civile lors des procès intentés aux « scientifiques-espions » (3). À la Douma (la chambre basse du Parlement), ses représentants assistent à l'élaboration des lois les plus sensibles. Aucun texte important n'est voté sans leur aval. Et c'est par eux que les sociétés étrangères devront désormais passer pour investir dans les secteurs « stratégiques » de l'économie (4).
De la commercialisation des alcools à l'organisation des scrutins, rien n'échappe à la vigilance des « services ». Le FSB a ainsi été chargé par Vladimir Poutine d'« assurer le respect de l'ordre et de la loi » à l'occasion des prochaines élections - législatives en décembre 2007 et présidentielle en mars 2008. En exhortant ses ex-collègues à « protéger la société de l'extrémisme et de l'intolérance religieuse et ethnique», le président a de facto restauré l'institution dans son ancienne fonction de police politique. En effet, ces notions - et, en particulier, celle d'« extrémisme » - peuvent être mises à toutes les sauces (5)...
La Russie de Poutine, une militarocratie ?
Selon la sociologue Olga Krychtanovskaïa (6), les trois quarts des membres actuels de l'élite portent, sur leur curriculum vitae, les traces d'un passage dans les « organes » (KGB, FSB, SVR ou GRU (7)). Le constat de cette …