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TURKMENISTAN: L'HEURE DU DEGEL

Jusqu'au 21 décembre 2006, le Turkménistan a été dirigé par l'un des dictateurs les plus despotiques de la planète, célèbre à l'étranger essentiellement pour ses excentricités. Avec la mort de Saparmourat Niazov, le pays est entré dans une phase de transition politique qui bouleversera probablement tous les secteurs : les droits de l'homme, puisque renaît l'espoir de voir s'instaurer plus de démocratie et de liberté ; les questions sociales, le défunt président à vie ayant laissé son royaume exsangue ; l'économie, enfin. Quelle sera la politique gazière du nouveau numéro un, Gourbangouly Berdymoukhammedov, vainqueur, le 11 février dernier, d'une élection présidentielle très « encadrée » ?Cette dernière interrogation tient en haleine tous les marchés énergétiques de la planète. Car le Turkménistan n'est pas seulement un obscur pays d'Asie centrale, très mal connu et apparemment miséreux. Il possède aussi un sous-sol riche en pétrole (dont il est le 45e producteur mondial) et, surtout, en gaz, dont il détient d'immenses réserves. Pour l'heure, il ne vend son gaz qu'à l'Iran et à plusieurs pays de l'ex-bloc de l'Est. Les gros consommateurs (Europe, Chine, Inde) font tout pour avoir accès à ses ressources ; mais la Russie, qui contrôle la plupart des voies d'exportation, est toujours en position de force... C'est, également, un pays frontalier du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan au nord, de la mer Caspienne à l'ouest, de l'Iran et de l'Afghanistan au sud - il se trouve donc au coeur de nombreux enjeux géopolitiques. En d'autres termes, la voie que choisiront ses nouveaux dirigeants sera cruciale non seulement pour la population turkmène et pour la région, mais aussi pour l'équilibre entre les puissances.
Un dictateur illuminé
Le bilan des vingt et une années de règne de Saparmourat Niazov est dramatique. À l'image du « petit père des peuples » Joseph Staline, il se faisait appeler « Turkmenbachi » (le « père de tous les Turkmènes ») et avait instauré dans son pays un véritable régime totalitaire. Niazov est parvenu au pouvoir dès l'époque soviétique : nommé premier secrétaire du Parti communiste turkmène en 1985, il a été élu président de la République soviétique socialiste du Turkménistan en 1990, avec déjà plus de 99 % des voix. Un score éloquent... qu'il parvient encore à améliorer deux ans plus tard, dans un pays indépendant depuis l'éclatement de l'URSS en 1991 : il est réélu président en juin 1992, avec 99,5 % des suffrages. Un scrutin auquel auraient participé 99 % des électeurs...
Le dirigeant devient peu à peu tyran, accaparant un à un tous les postes de décision : chef de l'État à vie, chef du gouvernement, président du Conseil populaire (le principal organe législatif, qui regroupe près de 2 500 notables et hauts fonctionnaires) et président du parti unique... Progressivement, le dictateur fait le vide autour de lui. « Le gouvernement turkmène ne tolère aucune dissidence, n'accorde aucune liberté médiatique ou politique et a conduit à l'exil ou emprisonné des membres de l'opposition, des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes …