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AFGHANISTAN: LE FLEAU DE LA DROGUE

Le 3 septembre 2006, Antonio Maria Costa, directeur de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), a annoncé les résultats de l'enquête extrêmement précise - croisement d'évaluations sur le terrain et d'observation satellitaire - à laquelle se livre chaque année son organisation (1) : avec une production de 6 100 tonnes d'opium, l'Afghanistan a largement battu l'année dernière le record de 4 600 tonnes atteint en 1999 sous le gouvernement des taliban. Les revenus de l'ensemble des paysans cultivateurs de pavot se sont élevés à 755 millions de dollars ; ceux des trafiquants exportateurs d'opium, de morphine et d'héroïne, à 2,34 milliards de dollars. L'ensemble de ces profits a représenté 46 % du produit national brut. Des données préliminaires sur la récolte de 2007 montrent que, les paysans ayant semé davantage que l'année précédente, la production pourrait encore augmenter cette année (2).La drogue exerçait déjà une influence non négligeable sur la situation en Afghanistan depuis le début des années 1980 (3). Mais, aujourd'hui, elle joue un rôle décisif sur le plan du développement et de la reconstruction, tant au niveau du secteur rural - qui regroupe environ 70 % de la population afghane - qu'à celui de l'économie globale. Les narcoprofits continuent de financer des conflits dont les protagonistes sont à la fois les taliban, des milices qui se battent aux côtés des Occidentaux et des seigneurs de la guerre qui tentent de préserver leur indépendance face au pouvoir central. En outre, de nombreux fonctionnaires trouvent dans les activités illicites d'immenses possibilités d'enrichissement. On peut également se demander pour quelle raison les forces de la coalition occidentale - qui avaient, dès 2001, affirmé que la guerre contre le terrorisme n'était pas séparable de la lutte contre la drogue - se sont montrées impuissantes à enrayer le développement de la production et des trafics en tout genre. Des projets de fumigation des champs de pavot sont bien envisagés pour 2008. Le problème, c'est que ces mesures ne permettront pas de pallier durablement l'absence de résultats ; elles risquent même d'entraîner une aggravation des conflits.
Un ballon d'oxygène pour l'économie rurale
C'est d'abord au niveau de l'économie rurale que l'impact économique de la culture du pavot à opium se fait sentir (4). En termes de superficie, les 165 000 hectares de pavot cultivés en 2006 représentent une augmentation de 59 % par rapport à l'année 2005 - et cela, malgré les 15 300 hectares éradiqués manuellement par les forces de l'ordre. Le nombre de familles impliquées dans cette culture s'élève à 448 000, soit 2,9 millions de personnes (12,6 % de la population afghane) auxquelles s'ajoutent plusieurs centaines de milliers d'ouvriers agricoles saisonniers. C'est, bien sûr, avant tout pour des raisons économiques que les populations rurales cultivent le pavot. En 2006, un hectare de blé rapportait annuellement, en moyenne, 550 dollars, et un hectare de pavot 4 500 dollars. Même si cette somme est, dans la réalité, souvent moindre (puisque les trafiquants achètent généralement la récolte, des mois …