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AL-QAIDA : LA BATAILLE DU JIHADISTAN

Dans la matinée du 11 avril 2007, le centre d'Alger est secoué par un attentat à la voiture piégée devant le palais du gouvernement. Au même moment, deux véhicules bourrés d'explosifs ciblent à Bab Ezzouar, dans la banlieue est de la capitale, un commissariat de police et une compagnie de gendarmerie. Les morts se comptent par dizaines et les blessés par centaines (1), tandis que le pays replonge dans les pires angoisses de la guerre civile des années 1990. Un site Internet diffuse peu après les photographies des trois kamikazes responsables des attentats. Le seul à apparaître à visage découvert, Marwan Boudina, est un jeune délinquant, longtemps à la dérive, originaire d'un quartier populeux de la périphérie d'Alger. Converti à l'islam le plus radical à l'automne 2005, le " martyr " a pris comme nom de guerre Moaz Ben Jabal (2), littéralement " le protégé, fils de la Montagne ".La triple explosion est revendiquée par " Al-Qaida au Maghreb islamique ", qui a absorbé en janvier 2007 la plus redoutable des organisations jihadistes algériennes, le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) : " Nous ne serons en paix que lorsque nous aurons libéré toute la terre d'islam (...) et que nous aurons repris pied dans notre Andalousie spoliée et notre Jérusalem violée. " Cinq ans plus tôt, jour pour jour, Al-Qaida avait frappé la synagogue de la Ghriba, sur l'île tunisienne de Djerba, tuant vingt personnes, dont quatorze touristes allemands et deux Français. Al-Qaida affirme ainsi son implantation durable en Afrique du Nord et aux portes de l'Europe.
Mais, pour l'organisation d'Oussama Ben Laden, l'essentiel reste durant 2007 de consolider en Irak une base territoriale, d'où exporter sa subversion transfrontalière : un véritable " Jihadistan " qui pourrait se substituer au sanctuaire afghan perdu en 2001. Fer de lance du sunnisme le plus intransigeant et le plus xénophobe, elle est aussi passée en Irak d'un anti-chiisme doctrinal à une terreur anti-chiite systématique. Al-Qaida, qui combattait déjà en Afghanistan les forces sunnites opposées à ses projets subversifs, approfondit désormais dans le sang le fossé entre la majorité sunnite et la minorité chiite, devenant ainsi le vecteur d'une inexpiable guerre civile au coeur de l'islam.
Al-Qaida : de l'Afghanistan à l'Irak en passant par l'Arabie
La remontée en puissance d'Al-Qaida, depuis l'hiver 2001-2002, n'a pas été un processus linéaire. L'implacable répression des réseaux jihadistes en Arabie a déstabilisé en 2003-2004 le noyau dur de l'organisation, qui n'a rétabli la situation qu'en investissant massivement le théâtre irakien. En proclamant un " État islamique d'Irak ", doublé d'un califat en trompe l'oeil, Al-Qaida dévoile sa volonté d'implanter un Jihadistan à vocation expansionniste dans une partie au moins des provinces tenues par l'insurrection sunnite. Dans la consolidation de ce projet, elle se heurte moins à l'action des troupes américaines qu'à la détermination de la guérilla nationaliste à ne pas laisser se pérenniser cette nouvelle forme d'occupation.
Automne 2001-printemps 2003 : Al-Qaida refoulée dans les limbes
Ben Laden et son adjoint Zawahiri avaient …