Les Grands de ce monde s'expriment dans

RUGBY: DERRIERE LA MELEE, LA POLITIQUE

« Un sport de voyous pratiqué par des gentlemen » : tel est l'adage qui définit traditionnellement ce sport qu'on appelle « ovalie ». Un sport un peu étrange, en vérité, qui se pratique avec un ballon aux trajectoires improbables et qui allie puissance et finesse, tactiques travaillées et improvisations géniales, solidarité et individualisme. Un sport tout en rudesse mais aussi en convivialité. Bien plus qu'un sport, prétendent ses laudateurs : un art de vivre, un certain respect de l'autre, qu'il soit partenaire ou adversaire. Presque une philosophie tant il est vrai que dans ce jeu où le « je » est proscrit, comme se plaisait à le remarquer encore récemment une des légendes vivantes du rugby français, Pierre Albaladéjo (1), la notion d'équipe est loin de rester une image convenue.Alors que la France s'apprête à accueillir à l'automne la Coupe du Monde 2007, les clichés ont la vie dure. À tort ou à raison, l'un des plus tenaces est sans doute le fameux «esprit du pack » ou de la mêlée, censé animer ceux qui se battent et « meurent » ensemble. En terre britannique et irlandaise, le fighting spirit est l'illustration rugbystique de ce refus viscéral du renoncement que Winston Churchill avait exprimé naguère dans une formule demeurée célèbre : « Never give up, never surrender. » À l'autre bout du monde, Down and Under, les Néo-Zélandais voient ouvertement dans ce sport, auquel ils sont si fiers de s'identifier, « The Game of our Lives » (2). Fierté, combativité, honneur, tels sont les impératifs qui reviennent le plus couramment et qui contribuent à définir une identité réelle.
Le mythe des origines
À maints égards, le rugby apparaît comme le miroir des sociétés au sein desquelles il s'épanouit. Un miroir tout à fait fidèle ? Voire.
La « christianité musclée »
Les origines historiques de cette aventure sont édifiantes. Lorsque par un après-midi pluvieux de novembre 1823, le jeune William Webb Ellis, élève à la Public School de Rugby, dans le Warwickshire, commet délibérément une infraction aux règles du football classique et s'empare de la balle à pleine main, la future reine Victoria n'a que quatre ans. Ce jeu nouveau, qui ne tardera pas à se doter de règles et d'institutions spécifiques, correspond bien à cette vision élitiste de la société que véhiculent déjà les collèges et les high schools. En 1857 est publié Tom Brown's Schooldays, un roman de Thomas Hugues qui a effectué ses études à la fameuse Rugby School. Le roman deviendra vite le bréviaire de générations de collégiens anglais. Il n'y est question que de vertu, de rigueur, d'acceptation de l'autorité ou d'élévation personnelle, selon une conception de la « christianité musclée » qui fait alors les délices des éducateurs : étant entendu que la finalité ultime de l'exercice se ramène à la défense de l'Empire.
Le sport dans son ensemble (3) constitue d'ailleurs l'un des vecteurs privilégiés par lesquels se diffusent et s'imposent une telle vision ainsi que les valeurs qui y sont rattachées …