Dans ce contexte d'actualité chaude, la Norvège joue un rôle absolument crucial. Pays producteur de gaz et de pétrole, frontalier de l'Arctique, voisin de la Russie, elle a été l'un des premiers États à comprendre l'importance stratégique de cette région et à attirer l'attention de l'Union européenne sur les défis économiques et environnementaux qui s'y posent. Troisième exportateur de pétrole et de gaz du monde, la Norvège est notre principal fournisseur en gaz (30 %), devant la Russie. Elle a su, contrairement à la plupart des pays pétroliers frappés de « malédiction », mettre en place un modèle économique qui assure sa prospérité et procure à ses partenaires une énergie « démocratique » qui n'a jamais été utilisée comme une arme diplomatique. Bref, elle apparaît comme un modèle à étudier de près.
L. M.
Laure Mandeville - La question de l'énergie figure désormais au coeur des relations internationales. Cette nouvelle priorité confère-t-elle à la Norvège une place et une responsabilité particulières sur la scène mondiale ?
Jonas Gahr Støre - Cela fait vingt-quatre mois que je suis ministre et s'il y a un domaine dans lequel j'ai senti un changement notable, c'est bien l'énergie. Le problème des ressources et la sécurisation des approvisionnements sont devenus des préoccupations majeures. Tout le monde en parle. Cet intérêt est lié à deux facteurs : l'augmentation des prix et la crainte d'une pénurie. L'impact du réchauffement climatique sur l'accès aux hydrocarbures dans le Grand Nord joue également un rôle important. En tant que troisième exportateur mondial de gaz et de pétrole, la Norvège est directement concernée. D'autant que la zone arctique, dont elle est une sorte de sentinelle en raison de la souveraineté qu'elle exerce sur le Spitzberg, pourrait devenir un nouvel Eldorado.
L. M. - Cette manne énergétique est tombée du ciel dans les années 1960. Comment l'avez-vous gérée ?
J. G. S. - En 1958, les services de géologie norvégiens ont conclu qu'il était absolument certain qu'on ne trouverait jamais d'hydrocarbures sur le plateau continental. Or, coup de théâtre assez drôle, quelques années plus tard on en découvrait ! En 1970, un nouveau chapitre de notre histoire s'est ouvert. Notre succès tient certainement au fait que, dès le départ, notre stratégie a consisté à ouvrir nos portes aux compagnies étrangères, à solliciter leurs investissements et leurs technologies. Parallèlement, nous avons soutenu les compagnies nationales. Norsk-Hydro, dans laquelle des intérêts français sont présents depuis longtemps, existait déjà. Nous avons créé Statoil, une compagnie détenue à 100 % par des capitaux publics (1). Pendant les années 1970 et 1980, il a fallu relever le défi de l'exploitation des gisements de la mer du Nord, au sud de nos côtes. Puis nous sommes remontés progressivement vers le nord et avons développé des technologies permettant d'exploiter de nouveaux champs beaucoup plus difficiles d'accès, situés en profondeur. S'est posée en permanence la question de la coexistence des installations pétrolières avec les zones de pêche - la pêche demeurant un secteur clé de notre économie. Le jour où nos compagnies ont été prêtes à affronter la concurrence, nous les avons laissées se débrouiller seules face aux entreprises étrangères. C'était le meilleur moyen de les pousser à devenir compétitives.
L. M. - Quelles sont les avancées technologiques qui vous ont permis d'exploiter des gisements jusque-là inaccessibles ?
J. G. S. - Les progrès sont, en effet, spectaculaires. Il y a quelques années, tout se faisait à partir de bateaux et de plates-formes. Aujourd'hui, il n'y a plus ni plates-formes ni bateaux : les installations sont construites au fond de la mer et téléguidées à partir de la terre. Des gisements qui, autrefois, étaient trop chers et trop compliqués à exploiter sont devenus rentables. C'est le cas de SnowWhite, situé dans la mer de Barents au nord de Hammerfest, à 150 kilomètres des côtes. …
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