Au moment où s'ouvre le débat sur la prochaine Loi de programmation militaire et le prochain Livre Blanc de la Défense (le dernier remontant à 1994), les difficultés rencontrées par les Américains en Irak depuis 2003 et par les Israéliens lors de la dernière campagne de l'été 2006 contre le Hezbollah ont suscité l'émergence, au sein des cercles français de réflexion stratégique, d'idées qui nous paraissent dangereuses pour l'avenir de nos armées.Ces analyses, venant d'experts militaires et civils dont la compétence ne saurait être remise en cause, mêlent des faits établis et des constats stratégiques incontestables à des postulats géopolitiques erronés. Il en découle des conclusions pour partie justes, pour partie fausses, avec les choix majeurs que cela pourrait impliquer pour notre outil militaire. Or deux ou trois leçons militaires tirées d'exemples particuliers ne peuvent faire office de nouvelle doctrine. Et si tel devait être le cas, la France pourrait s'exposer à de graves menaces dans les prochaines décennies.
Des « nouvelles idées » dangereuses
Ces « nouvelles idées » qui se veulent révolutionnaires, et qui visent (c'est classique !) à ranger leurs adversaires dans le camp des hommes du passé, se trouvent résumées dans le passionnant ouvrage du général Rupert Smith, L'Utilité de la force (1).
La thèse de ce grand soldat britannique - qui s'illustra lors de la première guerre du Golfe en 1991 puis en Bosnie et en Irlande du Nord - est à la fois simple et efficace : nos modèles d'armées occidentales sont bâtis sur le paradigme de la guerre industrielle interétatique et ne sont donc plus adaptés à la réalité d'aujourd'hui - laquelle se réduit à la « guerre au milieu des populations ». L'ère nucléaire a enterré les conflits classiques entre États. C'est désormais au sein des populations que nous combattons, face à des acteurs non étatiques dotés d'une force morale supérieure à la nôtre, cette supériorité rendant inutile notre puissance de feu. Contre les insurgés irakiens ou les miliciens du Hezbollah, la pertinence de la force, telle que conçue à l'ère des guerres industrielles, est clairement posée. En effet, nos adversaires nous maintiennent en dessous du seuil d'utilité de nos systèmes d'armes. D'où la nécessité de repenser nos armées occidentales en faisant prévaloir l'objectif du contrôle sur celui de la destruction (donc de la puissance de feu). Entendez : en donnant la priorité à l'humain par rapport à la technologie.
En France, ces idées se trouvent à la confluence de trois courants : premièrement, un courant issu d'une armée de Terre qui, au cours des dernières années, a vu fondre comme neige ses effectifs et qui tente (comment ne pas le comprendre ?) d'alerter l'autorité politique sur la nécessité de ne pas continuer à décliner ; deuxièmement, ces experts qui viennent régulièrement rappeler sur nos écrans l'inutilité de la puissance militaire dans un monde où l'origine des maux ne serait que la pauvreté ; troisièmement, les partisans d'une austérité encore renforcée en matière de budget de défense (2), trop contents de disposer, …
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