Les Grands de ce monde s'expriment dans

MEA CULPA A BAGDAD

Isabelle Lasserre - La passe d'armes, début septembre, entre le premier ministre Nouri al-Maliki et Bernard Kouchner, qui avait évoqué son remplacement, est-elle oubliée ?

Hoshyar Zebari - Totalement. Bernard Kouchner s'est d'ailleurs excusé une nouvelle fois pendant notre rencontre à Paris (1). L'important, nous en sommes convenus, est de conserver l'esprit de sa visite à Bagdad. Et celui-ci tient en quelques mots : plus jamais la France ne sera indifférente à l'Irak. Les interminables débats sur la légitimité de la guerre sont enfin terminés. Paris a réalisé que les Américains avaient un problème en Irak et qu'il était dans l'intérêt de tout le monde d'y faire face.

I. L. - Maliki est malgré tout contesté, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Quel est son problème et doit-il partir ?

H. Z. - D'abord, pour tout ce qui concerne Maliki et le gouvernement, c'est le peuple irakien qui décide et non les pays étrangers. N'oublions pas que ce gouvernement est un gouvernement légitime, issu d'élections régulières. Ensuite, le problème, ce n'est pas Maliki, mais le fait que nous ayons un gouvernement de coalition obligé de composer avec les différentes communautés. La recherche de ce consensus prend du temps et empêche que des décisions fortes soient prises. Ce serait la même chose avec n'importe qui.

I. L. - Comment la France peut-elle aider à la stabilisation de l'Irak ?

H. Z. - La France a une politique active au Moyen-Orient, et l'Irak constitue le coeur de ce Moyen-Orient. L'aide principale que la France peut nous apporter est d'ordre politique. Jusque-là, Paris estimait que, la guerre ayant été conduite par les États-Unis, les conséquences devaient être assumées par eux seuls. Et comme Paris joue un rôle important en Europe, l'Union européenne avait peu ou prou endossé la position française. Mais ce temps-là est révolu. Les choses ont changé. À Bagdad comme à Paris, nous sommes d'accord pour dire qu'il ne faut plus penser au passé et aux erreurs, mais qu'il faut relever les défis. Il est dans l'intérêt de tous de résoudre les problèmes de l'Irak. Alors, comment la France peut-elle y contribuer ? En travaillant avec nous pour soutenir le nouveau rôle de l'ONU. Les Français peuvent aussi nous aider dans la formation de nos juges et de nos forces de sécurité. Ils peuvent participer à la protection des droits de l'homme.

I. L. - L'ONU va-t-elle remplacer les soldats américains et payer les pots cassés ?

H. Z. - Il ne s'agit pas de remplacer les troupes américaines et britanniques, mais d'accorder une plus grande place aux Nations unies afin d'adapter la présence étrangère à la situation nouvelle. Par exemple, nous avons un grand besoin d'assistance humanitaire. Il faudrait que l'Unicef, le PNUD et les autres agences de l'ONU s'installent à Bagdad.

I. L. - D'après une récente étude américaine (2), on peut désormais parler de véritable guerre civile en Irak. Êtes-vous d'accord pour employer cette expression ?

H. Z. - Non. Pour la simple et bonne raison que …