Les Grands de ce monde s'expriment dans

NORVEGE: LE BONHEUR EST DANS LE FJORD

Il y a deux ans, la Norvège a célébré le centenaire de son indépendance non sans une certaine fierté. Certes, les festivités n'ont pas eu le faste qu'une grande puissance européenne aurait accordé à ce type de réjouissances. À Oslo, les dirigeants ne souhaitaient pas en rajouter dans la munificence. Ce n'est pas dans le tempérament national. En outre, la prospérité récente du pays parlait d'elle-même. Nul besoin de narguer inutilement la Suède voisine en soulignant trop ostensiblement l'écart qui, en termes de richesses, sépare désormais l'ancienne colonie de son ex-puissance tutélaire : au cours des dernières décennies, l'élève a dépassé le maître. Alors que la Suède perdait peu à peu de sa superbe, la Norvège s'est hissée discrètement dans le cercle privilégié des nations les plus riches du monde (1). Cette petite revanche - les Norvégiens ont longtemps dû subir les blagues suédoises, comme les Belges en France - a été rendue possible par la présence de pétrole au large du royaume. Cette découverte remonte à 1969, en mer du Nord. Le 15 juin 1971, date historique pour le pays, débutait l'exploitation d'Ekofisk, le premier champ offshore norvégien. De nombreux autres ont suivi depuis, en mer du Nord comme dans l'Atlantique-Nord et en mer de Norvège. Certains d'entre eux contiennent également du gaz, dont l'importance dans le paysage énergétique n'a cessé de croître depuis une dizaine d'années. En 2006, les cinquante-deux champs encore en activité sur le socle continental norvégien ont produit chaque jour 2,8 millions de barils de pétrole et, sur l'année, 88 milliards de mètres cubes de gaz. La Norvège est désormais le cinquième pays exportateur et le dixième producteur mondial de pétrole (2). En matière de gaz, elle se classe respectivement troisième et septième.
Une chance unique pour le pays
Une telle manne ne pouvait que modifier en profondeur ce pays de 4,68 millions d'habitants. En 1905, lorsqu'il put proclamer sa souveraineté, il figurait encore parmi les plus pauvres du continent. La pêche est longtemps restée sa principale ressource à l'exportation. Son industrie n'a jamais vraiment décollé au niveau international. Quant à l'agriculture, si elle continue à être pratiquée au bord des fjords, elle ne doit sa survie dans un climat peu propice qu'aux subsides publics (3). Aussi l'injection dans le pays des revenus générés par le pétrole a-t-elle donné un immense coup d'accélérateur à son développement. La richesse créée par l'industrie pétrolière en près de quatre décennies est estimée à plus de 5 000 milliards de couronnes norvégiennes, soit plus de 630 milliards d'euros. L'an dernier, le secteur des hydrocarbures représentait un quart de la richesse nationale et la moitié des exportations norvégiennes en valeur (4).
Au fil des années, les Norvégiens ont vu leur pays changer de morphologie. Non seulement des installations pétrolières sont apparues le long du littoral, en particulier dans le port de Stavanger, la capitale du secteur, mais les infrastructures de transport ont rattrapé leur retard. Le pays a connu une inflation de tunnels, chaque petite municipalité isolée par des montagnes …