À cinquante-sept ans, Helen Zille est une figure clé de la démocratie sud-africaine. Fille d'Allemands ayant fui le nazisme, elle a grandi dans la hantise de l'injustice. Journaliste de formation, elle s'est fait connaître il y a trente ans en relatant les circonstances de l'assassinat par la police du militant noir anti-apartheid Steve Biko. Devenue ministre de l'Éducation de la province du Western Cape, elle gagne le respect de ses compatriotes grâce à ses qualités de gestionnaire et à sa volonté d'ouverture politique. En 2006, Helen Zille remporte la mairie du Cap, troisième ville du pays (3,3 millions d'habitants), grâce au vote des Métis (48 % de la population de la ville) et des Blancs (19 %). Un an plus tard, elle prend la tête de l'Alliance démocratique (AD), premier parti d'opposition du pays, soutenu par la classe moyenne blanche et métisse. Son but est désormais d'élargir aux Noirs la base électorale du parti, qui pesait en 2004, au niveau national, 12 % du corps électoral, soit 2 millions d'électeurs. En brouillant ainsi les frontières, cette femme de caractère est devenue le poil à gratter de l'ANC...
G. M.
Guyonne de Montjou - Treize ans après la fin de l'apartheid, l'Afrique du Sud est-elle toujours raciste ?
Helen Zille - Oui et non. La Constitution garantit désormais l'égalité de tous devant la loi mais le discours politique réintroduit insidieusement la race dans tous les débats. L'ANC (1), tout-puissant depuis treize ans, a beau se dire anti-raciste, ses membres finissent toujours par parler « noir » ou « blanc »... En Afrique du Sud, la couleur de la peau est de nouveau l'arbitre de la réussite : les temps ont bien changé depuis Nelson Mandela ! Mandela aurait d'ailleurs dû effectuer un second mandat pour consolider une véritable égalité entre les Noirs et les Blancs. Malheureusement, il est parti trop tôt.
G. M. - Vous a-t-on souvent traitée de raciste?
H. Z. - Aujourd'hui, personne - même à l'ANC - ne me considère comme raciste. Je n'ai jamais vécu dans les quartiers du Cap réservés aux Blancs. Au contraire, j'ai passé ma vie dans des quartiers où résident une majorité de gens de couleur. Et puis tout le monde connaît mon histoire.
G. M. - Un journaliste congolais vous a appelée le « cauchemar de l'ANC ». Que pensez-vous de ce surnom ?
H. Z. - Je crois qu'il est approprié ! En ce moment, je suis certainement le cauchemar de l'ANC.
G. M. - Pourquoi ?
H. Z. - Pour une raison toute simple : parce que je suis le leader de l'opposition ! Dans une démocratie établie, il n'est en rien cauchemardesque d'avoir une opposition ; c'est même la norme. Mais l'ANC ne l'a pas encore compris : il considère toujours l'opposition comme un ennemi. Moi, en tant qu'opposante, je m'estime très légitime. Je devrais être la bienvenue dans une démocratie ! Dans le fond, l'Afrique du Sud est encore une démocratie sous-développée ; et elle le restera aussi longtemps que l'ANC verra ses adversaires comme des ennemis ou un « cauchemar ».
G. M. - L'ANC a eu beaucoup de mal à accepter sa défaite aux municipales du Cap, l'année dernière. Comment avez-vous ressenti cette animosité ?
H. Z. - Il est vrai qu'il leur a été bien compliqué d'admettre leur défaite. D'ailleurs, ils ne l'ont toujours pas acceptée ! À leurs yeux, c'est une injustice cosmique. Ils estiment que les électeurs ont fait une énorme bêtise. Ils réagissent comme si Dieu lui-même s'était trompé !
Depuis mon élection à la mairie, ils ont déjà essayé de me renverser une dizaine de fois. Ils ont tout tenté pour nous faire quitter le pouvoir, de la corruption aux menaces ! À présent, ils s'efforcent - avec beaucoup d'habileté, je dois le reconnaître - d'influencer les plus petits partis de notre coalition. C'est leur dernière idée en date. Un tel comportement n'est-il pas complètement délirant ?
G. M. - Vous sentez-vous menacée ?
H. Z. - On ne sait jamais à quoi s'attendre... En janvier dernier, ils ont failli réussir. Nous étions sur le point de fermer boutique. Mais …
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