Lors des élections législatives du 24 novembre 2007, après plus de onze ans de pouvoir conservateur, l'Australie a donné la victoire aux Travaillistes et à leur dirigeant Kevin Rudd, qui succède ainsi à John Howard au poste de premier ministre. Cette victoire est nette et sans appel : les Travaillistes ont gagné vingt sièges supplémentaires dans une Chambre des Représentants qui en compte cent-cinquante et obtiennent une majorité confortable. La coalition conservatrice Parti libéral-Parti national a été victime d'un véritable raz de marée. Une demi-douzaine de ministres ont perdu leur siège de député, au premier rang desquels John Howard lui-même, qui détenait la circonscription de Bennelong, à Sydney, depuis 1974. C'est la première fois depuis 1929 qu'un premier ministre subit pareille humiliation. Le déplacement de voix en faveur des Travaillistes surpasse même celui qui, en sens inverse, avait porté Howard au pouvoir en 1996 (1).La victoire travailliste n'a rien d'inattendu : pas moins de cent sondages successifs l'avaient annoncée ; et même si l'avance qu'ils prédisaient aux Travaillistes s'était un peu amenuisée en fin de campagne, elle restait décisive. Cette victoire conserve tout de même quelque chose de paradoxal, tant il est rare en Australie que l'oppposition l'emporte lorsque la situation économique du pays n'inspire pas d'inquiétude particulière (2). Comment donc expliquer que John Howard - considéré par Francis Fukuyama comme « l'homme politique occidental qui a le mieux réussi au cours des quinze dernières années » (3) - ait perdu son dernier pari après quatre succès électoraux consécutifs ? Faut-il en conclure que l'Australie a voulu donner un coup de barre à gauche ? La campagne très prudente menée par Kevin Rudd, son souci constant de ne pas effaroucher l'électorat en adoptant des positions radicales, son conservatisme affiché en matière de gouvernance économique et morale, donnent à penser qu'on assiste plus à un recentrage qu'à un véritable virage à gauche.
L'usure du pouvoir
Le succès de l'opposition n'implique pas un rejet franc et massif de la politique menée par la coalition conservatrice, à l'exception de quelques points spécifiques comme la refonte du droit du travail ou la lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement de John Howard pouvait se targuer d'un bon bilan économique. La croissance restait soutenue (3,3 % par an en moyenne depuis 1990, et 3,8 % en 2007), portée entre autres par les besoins de la Chine en matières premières, et le taux de chômage était en passe de descendre au-dessous de 4 %. Les Australiens avaient conscience de vivre une période de prospérité, qu'ils attribuaient volontiers à la compétence de l'équipe au pouvoir, même si elle devait beaucoup aux réformes structurelles mises en place par les gouvernements travaillistes de Bob Hawke (1983-1991) et de Paul Keating (1991-1996). Certes, quelques nuages montaient à l'horizon : l'inflation redressait la tête, poussant la Banque centrale australienne, la Reserve Bank, à relever régulièrement ses taux d'intérêt ; la crise américaine des « subprimes » n'avait pas dit son dernier mot ; et la hausse des prix de l'immobilier menaçait …
L'usure du pouvoir
Le succès de l'opposition n'implique pas un rejet franc et massif de la politique menée par la coalition conservatrice, à l'exception de quelques points spécifiques comme la refonte du droit du travail ou la lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement de John Howard pouvait se targuer d'un bon bilan économique. La croissance restait soutenue (3,3 % par an en moyenne depuis 1990, et 3,8 % en 2007), portée entre autres par les besoins de la Chine en matières premières, et le taux de chômage était en passe de descendre au-dessous de 4 %. Les Australiens avaient conscience de vivre une période de prospérité, qu'ils attribuaient volontiers à la compétence de l'équipe au pouvoir, même si elle devait beaucoup aux réformes structurelles mises en place par les gouvernements travaillistes de Bob Hawke (1983-1991) et de Paul Keating (1991-1996). Certes, quelques nuages montaient à l'horizon : l'inflation redressait la tête, poussant la Banque centrale australienne, la Reserve Bank, à relever régulièrement ses taux d'intérêt ; la crise américaine des « subprimes » n'avait pas dit son dernier mot ; et la hausse des prix de l'immobilier menaçait …
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