Bachar, dauphin malgré lui
Aucun système politique ne sort indemne d'un règne de trente ans. La mort de Hafez el-Assad, le 10 juin 2000, a constitué une redoutable épreuve pour les mécanismes mis en place au cours de trois décennies d'un pouvoir, certes, sans partage mais qui avait connu des heures critiques. C'est d'ailleurs après une tentative avortée de coup d'État de son propre frère, Rifaat, qui avait profité de l'hospitalisation du maître de Damas en 1983, que ce dernier avait organisé l'ascension de son fils aîné, Basel, dans la carrière militaire. Basel disparu dans un accident de voiture en 1994, il se tourna vers son fils cadet.
Bachar, qui poursuivait dans le plus grand anonymat des études d'ophtalmologie à Londres, fut donc réorienté à marche forcée vers le pouvoir. Par nature, Hafez el-Assad aimait plutôt donner du temps au temps. Sur les pare-brises syriens constellés d'autocollants, cette propension à inscrire son action dans la durée se traduisit longtemps par une étonnante trinité : le père y était accompagné de ses deux premiers fils, le disparu et l'intronisé, c'est-à-dire le passé et l'avenir. À la mort de Basel, il n'eut cependant d'autre choix que d'agir dans l'urgence. Malade, le président syrien savait que ses jours étaient fatalement comptés. Son dauphin n'a donc pas pu suivre le cursus militaire approprié qui lui aurait permis de constituer sa propre légitimité et une ébauche de réseaux. C'est privé de ces atouts que Bachar el-Assad a usé, du vivant de son père, de la carte classique des successions dynastiques : celle de la combinaison de la réforme et de la modernisation. Le « docteur » Bachar a joué ce rôle de « rénovateur dans la continuité », profitant du …