Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'EUROPE MARGINALSEE

Les relations entre l'Union européenne, la Russie et les États-Unis reposent aujourd'hui sur l'équation suivante : vigueur de l'action américaine en Europe et aux marches de la Russie + durcissement intérieur et extérieur de la politique du Kremlin = marginalisation de l'UE. Cette dernière n'a pas su anticiper le retour des logiques de puissance que l'on observe depuis le début de ce siècle. À son grand dam, l'Amérique a choisi, sous George W. Bush, une voie très éloignée du soft power cher aux Européens ; quant à la Russie, elle n'est pas devenue un partenaire aimable et compréhensif, comme Bruxelles l'avait espéré au moment de la transition post-soviétique. Au contraire, même : renforcée dans ses ambitions par sa puissance retrouvée, elle se considère de nouveau comme un « Grand » qui n'a de comptes à rendre à personne. Dans ce contexte, l'UE, qui ne parvient toujours pas à parler d'une seule voix, risque fort de se trouver durablement marginalisée dans l'espace euro-atlantique.Risques de marginalisation énergétique
Cadre général
Les chiffres sont éloquents. Au niveau mondial, l'UE représente 2,9 % de la production de pétrole et 7,1 % de la production de gaz. Or elle pèse 18,6 % de la consommation de pétrole et 17 % de la consommation de gaz. Elle importe donc la majeure partie de ses hydrocarbures. Et au cours des années à venir, ces importations vont sans doute augmenter - ce qui accentuera la dépendance énergétique de l'Union à l'égard de ses principaux fournisseurs, au premier rang desquels figure la Russie. La situation de cette dernière est radicalement inverse : elle produit 12,3 % du pétrole et 21,3 % du gaz de la planète, mais sa part dans la consommation mondiale ne représente, respectivement, que 3,3 % et 15,1 %.
En théorie, les États-Unis (qui sont, eux aussi, des importateurs nets d'hydrocarbures), la Russie et l'Union européenne sont des « partenaires énergétiques ». Plusieurs accords ont été signés au cours du premier mandat de Vladimir Poutine (2000-2004) afin de renforcer leur confiance mutuelle. En octobre 2000, Bruxelles et Moscou ont entamé un « dialogue énergétique » censé garantir approvisionnements russes à l'Europe et investissements européens à la Russie. De même, en octobre 2002, Moscou et Washington ont noué un « partenariat énergétique » destiné à faciliter l'implantation russe sur le marché nord-américain et les investissements américains en Russie. Dans la pratique, les exportations russes de gaz vers l'UE représentent 84,8 % du total des exportations russes de gaz et 26,3 % de la consommation européenne. Les exportations de pétrole en provenance de l'espace post-soviétique à destination de l'UE représentent 83,3 % des exportations de pétrole de cette zone et 38,7 % de la consommation européenne. Quant aux exportations de pétrole en provenance de l'espace post-soviétique à destination des États-Unis, elles ne représentent que 1,79 % de la consommation américaine. Enfin, 75 % des recettes d'exportation de la Russie dépendent directement du seul marché européen de l'énergie. Ces derniers chiffres rappellent l'étroitesse de l'interdépendance énergétique russo-européenne, mais aussi l'importance …