L'URGENCE CLIMATIQUE

n° 118 - Hiver 2008

La Terre se réchauffe à grande vitesse. Cette réalité que chacun d'entre nous peut constater au quotidien, Michel Jarraud l'observe avec toute la rigueur d'un scientifique qui en mesure les répercussions sur l'écosystème de la planète. La rigueur... et l'inquiétude. Car, on le sait bien désormais, le réchauffement s'accompagne d'un terrible cortège de canicules sans précédent, de sécheresses inouïes, d'inondations catastrophiques et de cyclones d'une ampleur rarement atteinte, sans oublier la fonte dramatique des glaciers et des calottes polaires. Liste non exhaustive.Ce brillant climatologue français (1) nous reçoit dans son bureau avec vue sur le lac Léman, au dernier étage du siège genevois de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) (2), qu'il dirige depuis janvier 2004. Notons que l'OMM est installée dans un bâtiment de verre et d'aluminium, à l'avant-garde de la technologie en ce qui concerne les économies d'énergie (3). Manière, pour cette organisation, de montrer qu'elle s'applique à elle-même les solutions qu'elle préconise pour sauver la planète...
R. H.

Richard Heuzé - Le GIEC (4), une institution créée en 1988 par l'OMM et le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), s'est récemment vu décerner le prix Nobel 2007 de la paix, conjointement avec l'Américain Al Gore. Qu'avez-vous ressenti en l'apprenant ?

Michel Jarraud - Une grande fierté. Ce prix Nobel récompense le sérieux du travail du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat et souligne sa crédibilité, qui n'est contestée par personne. Cette structure intergouvernementale ne conduit pas de recherches elle-même. Sa mission est de faire régulièrement le point sur les travaux que des milliers de scientifiques consacrent au changement climatique. Ses rapports sont entérinés par les différents gouvernements. On aurait pu craindre que ces derniers essaient d'infléchir les conclusions du GIEC dans un sens qui leur serait plus favorable. Jusqu'à présent, en tout cas, ils ne l'ont jamais fait.

R. H. - Généralement, le prix Nobel de la paix récompense des personnalités impliquées dans la défense des droits de l'homme ou dans la pacification de conflits armés. En quoi l'action du GIEC est-elle liée à ce type de préoccupations ?

M. J. - Attribuer le Nobel de la paix au GIEC et à Al Gore revient à reconnaître, pour la première fois, que le changement climatique a un impact direct sur la sécurité collective et, donc, sur la paix. J'en veux pour preuve le nombre déjà important de réfugiés climatiques et de drames humains (comme ceux provoqués par les tensions autour du partage des points d'eau) qui risquent fort de provoquer la déstabilisation de plusieurs régions du monde. On le voit, par exemple, en Afrique où les conséquences des sécheresses et la raréfaction des ressources en eau entraînent déplacements de populations et conflits armés. De même, l'accès à l'énergie est une source potentielle de tensions. De ce point de vue, ceux qui cherchent à restreindre autant que possible le changement climatique contribuent de manière fondamentale à la paix mondiale.

R. H. - L'OMM annonce depuis longtemps le réchauffement de la planète. Pourtant, le protocole de Kyoto (5) s'achèvera en 2012 sur de bien maigres résultats. Comment pourrait-il en être autrement, du reste ? Les deux plus grands pollueurs mondiaux ne sont pas concernés : les États-Unis ne l'ont pas ratifié et la Chine n'a pas été astreinte à limiter ses rejets de gaz carbonique dans l'atmosphère. N'avez-vous pas l'impression de prêcher dans le désert ?

M. J. - C'est vrai. Nous avons lancé la première alerte sur l'augmentation des gaz à effet de serre il y a plus de trente ans, en 1976 (6). Il a fallu pas mal de temps pour en mesurer réellement le danger. Au début, malgré tous nos avertissements, les scientifiques se demandaient - assez légitimement, d'ailleurs - si le phénomène était vraiment dramatique et si les océans n'allaient pas tempérer ce réchauffement. D'autant que les signes du réchauffement pouvaient alors être attribués à la variabilité naturelle du climat. Il a fallu des années d'observations méticuleuses pour parvenir à distinguer ces deux aspects.

R. …

Sommaire

COLOMBIE: LE TEMPS DES OTAGES

Entretien avec Francisco Santos par Pascal Drouhaud

CUBA : LE VRAI VISAGE DE RAUL CASTRO

Entretien avec Brian Latell par Axel Gyldén

POUR UN LIBERALISME DECOMPLEXE

Entretien avec José Maria Aznar par Alexandre Del Valle

DIPLOMATIE ESPAGNOLE: LA "VOIE ROYALE"

Entretien avec Miguel Angel Moratinos par Jean-Jacques Lafaye

ISRAEL: LE CREDO DU GRAND ARGENTIER

Entretien avec Stanley Fischer par Catherine Wajsman et Claire Elmaleh

SYRIE: LE COMBAT DES FRERES MUSULMANS

Entretien avec Ali sadreddin Bayanouni par Gilles Paris

DAMAS: UN REGIME INOXYDABLE?

par Gilles Paris

IRAN: UN RAPPORT EXPLOSIF

par Thérèse Delpech

KOSOVO: L'INDEPENDANCE... ET APRES

Entretien avec Hashim Thaçi par Isabelle Lasserre

LA MACEDOINE A L'HEURE DU KOSOVO

par Jean-Arnault Dérens

RUSSIE: L'IMPASSE TCHETCHENE

par Laurent Vinatier

L'EUROPE MARGINALSEE

par Thomas Gomart

UNION EUROPEENNE: LE DEFI ENERGETIQUE

Entretien avec Andris Piebalgs par Caroline Morange

L'URGENCE CLIMATIQUE

Entretien avec Michel Jarraud par Richard Heuzé

AFRIQUE DU SUD: LA VOIX DE L'OPPOSITION

par Guyonne de Montjou

SOMALILAND: LE SECRET LE MIEUX GARDE D'AFRIQUE

Entretien avec Dahir Rayaale Kahin par Aymeric Chauprade

AUSTRALIE: LE RECENTRAGE

par Xavier Pons

MA SOLUTION POUR LE PROBLEME DE CHYPRE

Entretien avec Tassos Papadopoulos par Alexandre Del Valle et Jean Catsiapis

CHYPRE ET L'EXEMPLE EUROPEEN

par Georges Lillikas

CHYPRE ET LA PRATIQUE EUROPEENNE

par Jean-François Drevet

AU-DELA DU PLAN ANNAN

par Claire Palley

FRANCE-CHYPRE: ENJEUX ET PERSPECTIVES

par Patrick Devedjian

CHYPRE: UNE PUISSANCE MARITIME

par Dirk Fry

UN PATRIMOINE CULTURELEN PERIL

par Michael Jansen

ARCHEOLOGIE: LES RAVAGES DE L'OCCUPATION

par Vassos Karageorghis