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RUSSIE: L'IMPASSE TCHETCHENE

Les élections législatives tenues le 2 décembre dernier dans l'ensemble de la Fédération de Russie ont offert au Kremlin l'occasion idéale de « prouver » une nouvelle fois que la paix et la sérénité avaient été rétablies en Tchétchénie. À en croire les autorités de Moscou, le scrutin a démontré que la république caucasienne, longtemps rebelle et encore dévastée, faisait désormais une confiance aveugle et unanime au pouvoir russe. En fin de compte, le résultat est apparu grotesque : d'après les chiffres officiels, le taux de participation en Tchétchénie s'est élevé à 99 %, et Russie unie - le parti de Vladimir Poutine - aurait recueilli... 99 % des suffrages. On le comprend : les gouvernants pro-russes de Grozny ont mis un point d'honneur à assurer un score au-delà de toute espérance pour les autorités moscovites. Peut-être auraient-ils mieux fait de se soucier davantage de la crédibilité des chiffres, qui ne correspondent évidemment en rien à la réalité beaucoup plus instable de la république frondeuse...Il reste que, aux yeux des dirigeants de Moscou, le problème tchétchène est résolu. L'évolution de leur attitude sur le dossier kosovar illustre parfaitement cette assurance nouvelle. Comme chacun sait, le Kremlin s'est longtemps montré catégoriquement opposé à une éventuelle indépendance du Kosovo. Pour une raison simple : dans un tel cas de figure, la Tchétchénie - dont le statut officiel est comparable à celui du petit territoire balkanique - aurait pu, à son tour, faire valoir ses droits à l'indépendance. Mais, ces derniers temps, la Russie s'est montrée prête à discuter du Kosovo - dont elle souhaite relier le sort à celui des quatre entités sécessionnistes pro-russes qui subsistent dans les autres États ex-soviétiques (l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en Géorgie ; la Transnistrie en Moldavie ; et, à un moindre degré, le Haut-Karabakh en Arménie). Comme si elle n'avait pas, avec la Tchétchénie, un phénomène similaire sur son propre territoire ! C'est l'évidence : jamais les négociateurs russes n'auraient tendu ce bâton diplomatique s'ils n'étaient pas profondément certains de la soumission tchétchène. À leurs yeux, la guerre est finie.
La Tchétchénie en voie de « normalisation »
Il est vrai que la république caucasienne semble en voie de pacification. Des familles (certes encore peu nombreuses) reviennent de leur exil européen. Les camps de réfugiés de l'Ingouchie voisine se vident progressivement - souvent sur l'incitation pressante des autorités russes. Globalement, selon un rapide calcul forcément approximatif (1), il y aurait aujourd'hui en Tchétchénie plus de 400 000 personnes (exclusivement tchétchènes). Plus de 150 000 Tchétchènes se trouveraient encore à l'extérieur des frontières, répartis entre la Russie et l'Europe (où ils seraient près de 70 000). L'activité économique reprend doucement. Les finances de la république dépendent à presque 100 % des subventions octroyées par le centre ; mais l'accès à des ressources propres - comme la récupération des recettes de l'exploitation pétrolière locale ou l'instauration de droits de douane exclusifs - pourrait être envisagé prochainement.
D'un point de vue militaire, une certaine stabilité a été rétablie …