La complémentarité entre, d'une part, l'opposition laïque - qu'incarnent des personnalités résidant toujours en Syrie, comme l'ancien député Riyad Seif ou les intellectuels Anouar Al-Bounni et Michel Kilo - et, d'autre part, un courant certes en exil mais en phase avec la réislamisation de la société syrienne, est évidente. Dans cet entretien exceptionnel, M. Bayanouni s'explique sur cette alliance apparemment contre nature mais qui représente potentiellement une véritable menace pour le régime de Damas...
G. P.
Gilles Paris - Qu'est-ce qui a changé en Syrie au cours de ces dernières années ?
Ali Sadreddin Bayanouni - La Syrie n'a pas changé fondamentalement depuis la mort de Hafez el-Assad. C'est toujours une dictature dans laquelle les services de sécurité jouent un rôle de premier plan. Comme à l'époque de Hafez, les partis d'opposition sont bâillonnés. Il y a tout de même une différence : Hafez el-Assad était un responsable expérimenté, capable de manoeuvrer pour le profit de la Syrie. Ce n'est pas le cas de son fils, qui a commis de nombreuses erreurs au cours de ces dernières années. Résultat : la Syrie est désormais très isolée. Prenez ses relations avec l'Iran. Les deux pays se sont rapprochés à l'époque de Hafez el-Assad. Mais Hafez se servait de sa proximité avec Téhéran pour faire pression sur les pays du Golfe (3) alors que, aujourd'hui, c'est au contraire l'Iran qui manipule la Syrie. Sous Bachar, notre pays est devenu une simple carte dans le jeu de Téhéran ! Autrefois, les avantages de cette relation étaient entièrement syriens ; à présent, ils sont iraniens.
G. P. - Que reste-t-il des liens politiques avec l'Arabie saoudite ?
A. B. - En règle générale, les pays arabes ont toujours essayé d'entretenir de bonnes relations avec la Syrie ; mais compte tenu des erreurs de Bachar el-Assad, de ses déclarations intempestives et de ses tentatives visant à interférer dans les affaires intérieures libanaises, irakiennes ou jordaniennes, tous ont pris leurs distances. Après l'assassinat de Rafic Hariri, en février 2005, les Saoudiens ont fait preuve de patience en espérant que le régime prendrait conscience de l'impasse dans laquelle il se fourvoyait (4). Ils ont donné une chance à Bachar el-Assad, mais il n'a pas su la saisir.
G. P. - Entre 1979 et 1982, le régime a porté des coups sévères à votre mouvement. Pourtant, un peu plus tard, des contacts ont été noués entre les Frères et les dirigeants de Damas. Quelle en a été la substance ?
A. B. - Je viens de vous dire que Hafez el-Assad avait une grande intelligence politique ; eh bien, les contacts qu'il a pu avoir avec les Frères musulmans en 1980, parallèlement à la répression, en 1984 et en 1987 (les derniers auxquels j'ai participé), en sont la preuve. Ces contacts n'ont pas abouti parce que, fondamentalement, le régime ne voulait pas changer. Mais, au moins, c'était un début. Au moment de la succession, nous avons fait passer un message indiquant que nous étions prêts à discuter avec le nouveau chef de l'État, même si nous avions des réserves sur les modalités de la succession et si nous savions bien qu'un changement de personnes ne pouvait suffire en lui-même. Nous avons fait dire à Bachar que nous comprenions que des réformes ne pouvaient être que graduelles et que, dans un premier temps, nous pourrions nous contenter de signaux. Ce message lui est parvenu, mais il a fait la sourde oreille. Depuis, il n'y a …
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