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COREE DU SUD: UN NOUVEAU DEPART

L'arrivée au pouvoir du président Lee Myung-Bak à Séoul, dont on trouve ici la première interview programmatique accordée à une publication européenne, marque une rupture par rapport à la politique étrangère de ses prédécesseurs. Plus proche des États-Unis, désireux de nouer des liens plus étroits avec le Japon et l'Australie, plus exigeant envers la Corée du Nord et plus méfiant à l'égard de la Chine, dont il dénonce le manque de transparence, le nouveau président est un homme intelligent, pragmatique, animé de fortes convictions, notamment sur la nécessité de désenclaver la Corée du Sud et sur les droits de l'homme. Ce n'est pas parce qu'il affectionne un style sobre qu'il n'ira pas jusqu'au bout de ses objectifs. Les échanges qui ont eu lieu entre Pyongyang et Séoul au mois de mars en sont une bonne illustration. T. D. Thérèse Delpech - Monsieur le Président, il n'est pas certain que l'opinion européenne ait pris la mesure du changement politique qu'a représenté votre élection à la tête de la Corée du Sud. Pourriez-vous expliquer en quoi votre politique étrangère sera différente de celle de votre prédécesseur ? Lee Myung-Bak - Pour le dire en peu de mots, je souhaiterais que la politique étrangère de mon pays soit tendue vers la création d'une meilleure prise en compte des problèmes globaux, d'une « Corée globale » qui puisse participer de manière dynamique à la marche du monde - et cela, en développant une vision qui lui soit propre et en se dotant de moyens politiques adaptés. Autrement dit, je voudrais mettre l'accent non seulement sur la nécessité d'une péninsule coréenne plus sûre, et d'une Asie plus prospère - cela va de soi - mais aussi d'un ordre mondial plus juste. T. D. - Comment comptez-vous atteindre des objectifs aussi ambitieux ? L. M.-B. - J'ai tracé sept priorités : 1°) établir un « nouveau système de paix » dans la péninsule coréenne, ce qui passe par le règlement du problème nucléaire nord-coréen. 2°) mettre en place une politique étrangère pragmatique fondée sur l'intérêt national, non sur l'idéologie, et qui fasse l'objet d'un large consensus au sein de la population. 3°) resserrer nos liens avec les États-Unis. L'alliance américano-coréenne repose sur une amitié ancienne, des intérêts communs et des valeurs partagées. Elle contribue puissamment à la paix et à la prospérité dans la péninsule coréenne et dans l'ensemble du continent asiatique. 4°) définir une « diplomatie asiatique » visant à accroître la prospérité de la région. Cette nouvelle politique nous conduira à nous rapprocher du Japon, de la Chine, de la Russie et de l'Inde et à explorer de nouvelles formes de coopération avec l'ASEAN, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États d'Asie centrale. 5°) apporter une contribution plus significative à la solution des problèmes globaux que connaît l'humanité en ce début de XXIe siècle, qu'il s'agisse du climat, de la santé ou du développement. 6°) promouvoir une « diplomatie de l'énergie », indispensable pour accompagner notre essor économique. 7°) et, enfin, favoriser une culture coréenne plus dynamique en collaboration avec les autres pays asiatiques. Bref, je crois que l'heure est venue, pour mon pays, de contribuer à la création d'un « réseau international commun plus ouvert ». T. D. - La Corée du Sud est souvent considérée comme une puissance essentiellement régionale. Vous affirmez donc clairement une volonté de plus grande implication dans le système mondial? L. M.-B. - La Corée du Sud a connu, au cours du dernier demi-siècle, une croissance sans précédent qui lui a permis de se hisser au tout premier rang mondial. Et cela dans un contexte de sécurité et des conditions économiques défavorables. Aujourd'hui, elle est la troisième économie d'Asie et la douzième à l'échelle planétaire. Nous sommes conscients que, sans l'aide de la communauté internationale, notre développement n'aurait pas été aussi rapide. Et à l'évidence, les problèmes …