« Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil », écrivait Joubert il y a deux siècles. Ce qui, de façon moins imagée, pourrait s'énoncer ainsi : « Un ami, c'est quelqu'un qui vous connaît bien et qui vous aime quand même. »De toute évidence, Karl Rove éprouve ce sentiment pour George W. Bush auprès duquel il se trouve depuis une trentaine d'années et dont il a largement contribué à façonner l'irrésistible ascension.
Cet architecte en chef des victoires du Parti républicain, ce connaisseur inégalé de la politique américaine - que les détracteurs de l'actuel président des États-Unis ont dénommé « Bush's brain » - ne se confie qu'à de rarissimes occasions. Il l'a fait, pourtant, et très librement, pour Politique Internationale. De l'hôte de la Maison-Blanche, il brosse ici un portrait étonnant, à contre-courant des idées reçues. Et il se prononce, en avant-première, sur l'issue de l'élection présidentielle de novembre prochain.
Nos lecteurs apprécieront, je pense, cette contribution à la fois atypique et exceptionnelle.
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L'homme, on le sait, est le produit de l'Histoire ; mais il en est aussi l'acteur. C'est pourquoi nous avons donné la parole, dans ce riche Numéro de printemps, à ceux qui « font » l'actualité.
- L'actualité, ce trimestre, c'est le changement de cap à Taiwan avec l'élection du président Ma Ying-jeou. Issu des rangs du Kuomintang, ce nouveau leader de la République de Chine (nom officiel de Taiwan) entend rompre avec les pratiques et la politique de son prédécesseur. Comment, en particulier, gérera-t-il les relations avec Pékin, pris aujourd'hui dans la tourmente du Tibet et des Jeux olympiques ? Il nous le dit, en ouverture d'un substantiel « Dossier spécial » que nous consacrons à son courageux pays et qu'a coordonné notre amie Marie Holzman.
- L'actualité, c'est, aussi, l'élection d'un homme neuf à la tête de la Corée du Sud : Lee Myung-Bak. Un personnage aux convictions fortes, plus proche des États-Unis que ceux qui l'ont précédé, plus exigeant envers la Corée du Nord et plus méfiant à l'égard de la Chine populaire.
- L'actualité, c'est Israël, qui vient de célébrer son 60e anniversaire. Qui mieux que Shimon Pérès, président de l'État hébreu, prix Nobel de la paix, sage dont la carrière coïncide avec celle de cette Terre (trop) promise, pouvait sonder ces six décennies orageuses et en tirer des leçons pour l'avenir ?
- L'actualité, c'est, bien sûr, l'Europe. Quelques semaines avant que la France ne succède à la Slovénie en tant que présidente de l'UE, nous avons demandé au chef de l'État slovène, Danilo Türk, de faire le bilan de son expérience et de révéler comment son petit pays a réussi à devenir le « bon élève » du Vieux Continent.
- L'actualité, c'est, last but not least, l'Amérique latine. Un vaste espace de turbulences où le président vénézuélien Hugo Chavez s'efforce d'exporter les recettes de sa « révolution bolivarienne ». Mais cette révolution est-elle vraiment transposable ? On découvrira dans ces pages la réponse d'Evo Morales, chef de l'État bolivien, ami et allié de Chavez, premier dirigeant syndical et premier citoyen d'origine indigène à parvenir aux plus hautes fonctions de l'État.
Dois-je préciser que nous avons, le plus souvent, associé à ces divers entretiens sur le vif les analyses des meilleurs experts ?
Je signale, enfin, que notre Rédaction n'a pas négligé les autres zones de fragilité de la planète (des Balkans au Pacifique-Sud) et les interrogations les plus brûlantes du moment. Par exemple, celle-ci : comment maîtriser les flux migratoires ? Comment faire en sorte que les 200 millions d'êtres humains qui sont aujourd'hui des migrants soient traités décemment et ne déstabilisent pas les sociétés des pays d'accueil ?
Voilà. Tout est dit. On conviendra que nous avons, cette fois encore, tenté de baliser le chemin, de canaliser le hasard. À propos, n'est-ce pas à Pasteur que l'on doit ce bel aphorisme : « Le hasard ne sourit qu'aux esprits préparés » ?
À toutes et à tous : bonne lecture.
Brigitte Ades et Patrick Wajsman