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QUEL AVENIR POUR ISRAEL

L'État d'Israël vient de fêter, le 8 mai dernier, l'anniversaire de son indépendance, soixante ans après que Ben Gourion eut solennellement annoncé la naissance d'un « État juif en terre d'Israël ». Quel bilan convient-il de dresser de ces six décennies ? La réponse à cette question dépend inévitablement du critère d'évaluation retenu. Si l'on jauge Israël par rapport au projet sioniste, le bilan est certainement positif à bien des points de vue. De simple communauté religieuse, sous le mandat britannique, les Juifs sont devenus une société globale, avec une base économique saine et une culture hébraïque florissante. L'État fonctionne dans un cadre démocratique : séparation des pouvoirs, consultation électorale régulière des citoyens, respect des droits fondamentaux... Il s'est doté d'un appareil bureaucratique qui assure les fonctions essentielles de tout État moderne, de l'éducation des citoyens à leur sécurité, de la collecte des impôts à la protection sociale. Cet État a relevé un défi considérable en absorbant, avec d'inévitables ratés, des vagues d'immigrants qui ont permis de multiplier la population juive par sept depuis 1948 (elle est passée de 750 000 à 5,4 millions). Cette augmentation continue du nombre de Juifs israéliens a conduit à un rééquilibrage démographique au sein du peuple juif. Alors que 6 % de la population juive mondiale vivait en Israël en 1948, ce pourcentage atteignait 25% en 1980 et 40 % aujourd'hui. De plus, l'État d'Israël est désormais le pays comptant la plus importante communauté juive au monde - devant les États-Unis - et également le lieu où réside la majorité des jeunes Juifs (de moins de quinze ans). La tendance bimillénaire qui avait vu les Juifs vivre quasi exclusivement en diaspora s'est inversée. Premier constat : le sionisme a largement réussi son pari qui consistait à construire un État afin de reterritorialiser la nation juive.
Toutefois, si l'on apprécie le projet national juif par rapport à son objectif de « normalisation », le bilan apparaît nécessairement plus mitigé. Le sionisme affichait, en effet, une double ambition de normalisation : nationale et internationale. La première aspire à transformer les Juifs en un « peuple comme les autres », fonctionnant comme une société nationale, à l'instar des Français ou des Allemands ; la seconde à faire de l'État juif un membre souverain du concert des nations, reconnu sur un pied d'égalité par l'ensemble des autres États. Cette double normalisation est inachevée ; la première parce que l'identité nationale d'Israël demeure incertaine ; la seconde parce que la reconnaissance pleine et entière de l'État hébreu reste tributaire d'un règlement complet - encore à venir - du contentieux avec les Palestiniens.
Les identités d'Israël
Israël est une société d'immigrants : un tiers seulement des Juifs israéliens sont nés de parents eux-mêmes nés dans le pays. C'est dire l'importance du phénomène migratoire avant comme après la création de l'État. Comment faire de ces immigrants une nation ? Paradoxe du sionisme : il proclame, en théorie, l'unité pérenne du peuple juif mais, dans la pratique, il doit lui donner une …