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LES DEFIS DU PAKISTAN

Lors des élections législatives du 18 février, les Pakistanais ont exprimé leur rejet du général Musharraf ainsi que leur espoir de changement et de justice. Les mythes d'une talibanisation généralisée et d'une victoire des islamistes qui s'empareraient de l'arme nucléaire ont volé en éclats. Le Parti du peuple pakistanais (PPP) de feu Benazir Bhutto a bénéficié de l'« effet martyre » et a confirmé qu'il était le seul parti d'envergure nationale - sans réussir, toutefois, à obtenir la majorité absolue à l'Assemblée. Pour la première fois dans l'histoire du pays, le PPP, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) et l'Awami National Party (ANP, nationaliste pachtoune) ont formé une alliance et affirmé leur volonté d'oeuvrer ensemble, au niveau tant national que provincial, à la restauration de la démocratie. Il a néanmoins fallu plus d'un mois de négociations et d'intrigues avant que soit désigné un premier ministre de consensus, Yusuf Raza Gilani, qui devra peut-être, prochainement, céder la place à Asif Ali Zardari, le co-président du PPP (et veuf de Benazir Bhutto). Les luttes pour le pouvoir sont loin d'avoir disparu. Le général Musharraf, qui ne semble pas décidé à quitter la présidence, pourrait être tenté de manipuler les partis et d'exploiter leurs divisions internes. Quant aux États-Unis, ainsi que l'a montré la visite de John Negroponte et de Richard Boucher (1), ils n'ont pas renoncé, malgré leurs dénégations et leur soutien affiché à la démocratie, à exercer une influence sur le gouvernement pakistanais.
Dans son discours d'investiture, Yusuf Raza Gilani a dressé la liste des priorités de son gouvernement tout en prenant soin de préciser qu'il ne pourrait pas faire de miracles, notamment en matière économique. Le nouveau gouvernement sera-t-il en mesure de répondre aux attentes de la population ? A-t-il les moyens de s'attaquer aux défis immenses auxquels il est confronté ? Au-delà des déclarations d'intentions, parviendra-t-il à redéfinir sa relation avec les États-Unis et son rôle dans la « guerre contre la terreur » ? L'armée a-t-elle vraiment renoncé à peser sur la vie politique ? Autant de questions auxquelles les mois qui viennent apporteront sans doute des réponses.
Les défis structurels
Bien que le premier ministre n'ait pas insisté sur ce point dans son discours, la priorité de la coalition est le rétablissement dans leurs fonctions des juges démis par le président Musharraf. Plusieurs dizaines d'entre eux, qui avaient été arrêtés ou assignés à résidence, ont recouvré la liberté et une déclaration prévoyant leur réintégration dans un délai de trente jours à compter de l'entrée en fonctions du gouvernement a été signée, malgré les réticences du PPP.
Le rétablissement de la Cour suprême mettrait le président Musharraf dans une situation délicate car les juges pourraient invalider son élection par les assemblées sortantes. Ce danger semble toutefois écarté, au moins dans un avenir proche. Nawaz Sharif, qui réclamait avec insistance le départ du chef de l'État, a en effet assoupli sa position à la suite de pressions américaines. Désireux de manifester leur opposition au général Musharraf, les dirigeants des …