La découverte de l'alphabet et le début de la littérature arménienne
Par sa situation géographique et géopolitique, l'Arménie s'est toujours trouvée au croisement du monde oriental et du monde occidental. Tout au long de son histoire, elle a réussi à mêler et à unir les apports de l'Orient et de l'Occident et à développer une civilisation originale, fruit d'un échange constant avec les peuples voisins.Á l'aube du Ve siècle, époque marquée par le début de l'alphabétisation et de la littérature arméniennes, le royaume d'Arménie était, depuis un siècle déjà, un État officiellement chrétien. À cette époque, un ancien secrétaire de la cour royale, Machtots, décida d'abandonner la vie publique pour mener une existence d'ermite. C'est dans un canton périphérique du royaume, le Goght'n, que Machtots décida de se retirer. Comme le rapporte son biographe Korioun, dont la Vie de Machtots se situe vers 443, Machtots découvrit à sa grande consternation qu'une large partie de la population du Goght'n demeurait encore païenne. Il en allait de même dans d'autres régions de l'Arménie. Machtots commença alors à chercher un moyen de mettre fin à cette situation. La solution apparut enfin à ses yeux : pour permettre aux Arméniens d'avoir accès à la Parole de Dieu et pour parachever ainsi l'évangélisation du pays, il fallait trouver un système d'écriture apte à reproduire les sons de la langue arménienne afin de traduire la Bible en arménien et de prêcher directement dans cette langue. L'entreprise d'alphabétisation de l'Arménie, ainsi que le commencement de sa littérature, sont ainsi directement associés à une mission évangélique. En effet, comme le dit Korioun, immédiatement après la mise au point de l'alphabet arménien, Machtots et ses disciples « se mirent au métier d'évangélisateur », qui consistait à « traduire, écrire et enseigner » les textes sacrés (XI.1).
Les Arméniens traduisirent tout d'abord la Bible ; suivirent les oeuvres exégétiques des Pères de l'Église grecque et syriaque ainsi que les collections liturgiques nécessaires pour l'office du culte. Dès lors, les Arméniens n'eurent plus besoin de « mendier » auprès d'autres communautés et d'autres systèmes linguistiques les formes de transmission écrite nécessaires pour la propagation de leur foi. La mise par écrit, en arménien, des textes fondateurs du christianisme révèle une volonté d'autonomie culturelle en même temps que religieuse par rapport à l'Iran zoroastrien qui régnait sur l'Arménie orientale depuis 387-390. Les premiers textes de la littérature arménienne furent donc dictés par le rejet du modèle perse, de plus en plus assimilateur mais aussi par la volonté des lettrés, du clergé et du roi arméniens de forger une identité ethnique à travers la création de symboles identitaires.
D'après les anciens historiens arméniens, l'histoire du pays devint réellement digne d'être inscrite dans les annales à partir du moment où ses habitants optèrent pour le choix chrétien - un choix qui les fit entrer de plein droit dans l'histoire sainte. Pour Korioun, au temps de Machtots, le pays d'Arménie devint enfin en tous points « bienheureux, envié et prodigieux » (XI.3). Ce « bonheur …
Par sa situation géographique et géopolitique, l'Arménie s'est toujours trouvée au croisement du monde oriental et du monde occidental. Tout au long de son histoire, elle a réussi à mêler et à unir les apports de l'Orient et de l'Occident et à développer une civilisation originale, fruit d'un échange constant avec les peuples voisins.Á l'aube du Ve siècle, époque marquée par le début de l'alphabétisation et de la littérature arméniennes, le royaume d'Arménie était, depuis un siècle déjà, un État officiellement chrétien. À cette époque, un ancien secrétaire de la cour royale, Machtots, décida d'abandonner la vie publique pour mener une existence d'ermite. C'est dans un canton périphérique du royaume, le Goght'n, que Machtots décida de se retirer. Comme le rapporte son biographe Korioun, dont la Vie de Machtots se situe vers 443, Machtots découvrit à sa grande consternation qu'une large partie de la population du Goght'n demeurait encore païenne. Il en allait de même dans d'autres régions de l'Arménie. Machtots commença alors à chercher un moyen de mettre fin à cette situation. La solution apparut enfin à ses yeux : pour permettre aux Arméniens d'avoir accès à la Parole de Dieu et pour parachever ainsi l'évangélisation du pays, il fallait trouver un système d'écriture apte à reproduire les sons de la langue arménienne afin de traduire la Bible en arménien et de prêcher directement dans cette langue. L'entreprise d'alphabétisation de l'Arménie, ainsi que le commencement de sa littérature, sont ainsi directement associés à une mission évangélique. En effet, comme le dit Korioun, immédiatement après la mise au point de l'alphabet arménien, Machtots et ses disciples « se mirent au métier d'évangélisateur », qui consistait à « traduire, écrire et enseigner » les textes sacrés (XI.1).
Les Arméniens traduisirent tout d'abord la Bible ; suivirent les oeuvres exégétiques des Pères de l'Église grecque et syriaque ainsi que les collections liturgiques nécessaires pour l'office du culte. Dès lors, les Arméniens n'eurent plus besoin de « mendier » auprès d'autres communautés et d'autres systèmes linguistiques les formes de transmission écrite nécessaires pour la propagation de leur foi. La mise par écrit, en arménien, des textes fondateurs du christianisme révèle une volonté d'autonomie culturelle en même temps que religieuse par rapport à l'Iran zoroastrien qui régnait sur l'Arménie orientale depuis 387-390. Les premiers textes de la littérature arménienne furent donc dictés par le rejet du modèle perse, de plus en plus assimilateur mais aussi par la volonté des lettrés, du clergé et du roi arméniens de forger une identité ethnique à travers la création de symboles identitaires.
D'après les anciens historiens arméniens, l'histoire du pays devint réellement digne d'être inscrite dans les annales à partir du moment où ses habitants optèrent pour le choix chrétien - un choix qui les fit entrer de plein droit dans l'histoire sainte. Pour Korioun, au temps de Machtots, le pays d'Arménie devint enfin en tous points « bienheureux, envié et prodigieux » (XI.3). Ce « bonheur …
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