Les Grands de ce monde s'expriment dans

LES SIX ANS QUI ONT TRANSFORME LE BRESIL

Ancien enfant des rues devenu ouvrier, syndicaliste, dirigeant du Parti des travailleurs (PT) puis chef de l'État, Luiz Inacio Lula da Silva, 63 ans, qui préside aux destinées du Brésil depuis le mois de janvier 2003, est à maints égards un dirigeant hors normes. Alors qu'il se trouve à mi-chemin de son second mandat, qui s'achèvera en décembre 2010 - la Constitution lui interdit d'en briguer un troisième -, sa popularité atteint des sommets. Désormais, 70 % des 195 millions de Brésiliens sont « lulistes ». Il faut dire qu'après une décennie de croissance (elle a atteint 5 % en 2007 et 2008) le géant sud-américain affiche une santé économique qui lui a permis de faire reculer significativement la pauvreté, ce mal endémique brésilien. En l'espace de six ans, plus de 20 millions d'habitants sont sortis de la misère. Et, pour la première fois de l'histoire de cette nation, plus de la moitié de la population (52 % exactement) appartiennent à la classe moyenne. Signe de l'optimisme ambiant : le président Lula affirme que son pays est le mieux armé pour faire face à la crise économique mondiale.A. G. Axel Gyldén - Au mois d'avril commencera au Brésil l'« Année de la France ». Jusqu'à la fin de 2009, plusieurs centaines de manifestations se dérouleront à travers votre immense pays. Quelle idée vous vient immédiatement à l'esprit lorsqu'on évoque la France ?
Luiz Inacio Lula da Silva - Je pense à la Révolution française. Et au fait que nos deux peuples se portent une estime et une affection réciproques que j'ai constatées de mes yeux tout au long de l'année 2005, qui était celle de l'« Année du Brésil » en France. Je pense également à Zinédine Zidane, qui est l'athlète le plus exceptionnel qu'il m'ait été donné de voir évoluer sur un terrain de football. De plus, ici, dans le milieu que je fréquente, tout le monde aime aller à Paris, et chacun admire les arts et les vins français. Je trouve toutefois que le potentiel commercial entre nos deux pays demeure encore largement inexploré. Nos échanges pourraient être bien plus importants qu'ils ne le sont aujourd'hui ! Je l'ai dit au président Sarkozy : la France - qui se paie le luxe d'être, grâce au département de la Guyane française, le seul pays européen à posséder une frontière commune avec le Brésil - devrait regarder davantage dans notre direction.
A. G. - Quels sont les projets communs auxquels vous pensez spécialement ?
L. I. L. S. - Je suis déterminé à ce que nos deux pays terminent, avant la fin de mon mandat en décembre 2010, le projet de pont sur le fleuve Oyapock, qui reliera l'État d'Amapa (au Brésil) à la commune française de Saint-Georges, en Guyane... même si j'ai découvert que la bureaucratie française est identique à la brésilienne ! Par ailleurs, j'ai proposé à Nicolas Sarkozy la création d'un Centre d'étude binational sur la biodiversité amazonienne. Dans le domaine de la défense, nous sommes très intéressés par le partenariat stratégique avec la France : c'est le seul pays qui se propose de mettre sur pied, avec nous, un programme de transfert de compétences et de technologies (1). Comme vous le savez, nous avons déjà signé un accord sur la fabrication d'hélicoptères, dont le site de production se trouve à Itajuba, dans l'État du Minas Gerais. Mais nous sommes également intéressés par les avions de chasse français Rafale afin de remplacer nos Mirage, ainsi que par les sous-marins nucléaires. Sur ces dossiers, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement français - et, spécialement, avec le ministère de la Défense - pour déterminer quel ensemble d'accords nous pourrions conclure en vue d'un partenariat stratégique de long terme.
A. G. - L'actualité internationale est dominée depuis plusieurs mois par la crise économique et financière. Pour 2009, plusieurs prévisions annoncent un ralentissement de la croissance brésilienne. D'après certains analystes, cette croissance pourrait être de seulement 0,5 % - à comparer avec les 5 % de 2007 et 2008. Quelle est votre vision des choses ?
L. I. L. S. - Il existe trois scénarios : un pessimiste, …