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BELGIQUE : LE ROYAUME EVANESCENT

Il suffit de flâner quelques instants dans une grande librairie bruxelloise, au rayon des essais politiques, pour prendre la mesure de la gravité de la « question belge » : La Belgique est morte. Vive la Belgique ! (José-Alain Fralon) ; Un asile de flou nommé Belgique (Philippe Dutilleul) ; La France doit-elle annexer la Wallonie ? (Claude Javeau) ; Pour ou contre la Belgique française (Claude Demelenne) (1). Tous ces ouvrages posent le même postulat : l'éclatement de la Belgique est inéluctable en raison de l'irrépressible aspiration des Flamands à l'indépendance. Mais tous n'en tirent pas les mêmes conséquences pour l'avenir de la partie francophone du pays. Les uns (Fralon, Dutilleul) envisagent le maintien d'une « petite Belgique francophone » indépendante qui conserverait la monarchie et les symboles de l'État fondé en 1831. Pour d'autres, comme le sociologue Claude Javeau et le journaliste Claude Demelenne, tous deux proches du Parti socialiste, la seule issue possible pour les Wallons et les francophones bruxellois est l'intégration au sein de la République française. Seuls quelques isolés, comme le sénateur libéral Alain Destexhe (2), se font les défenseurs de la permanence d'une nation dont les racines plongeraient très profondément dans l'Histoire.Signe des temps, la plupart de ces ouvrages consacrés à la situation politique outre-Quiévrain sont publiés par de grandes maisons d'édition françaises. Auparavant, ce genre de publication restait confiné chez les sympathiques éditeurs de Bruxelles, Liège ou Charleroi, qui n'ont pas le rayonnement mondial de leurs confrères et compatriotes spécialisés dans la bande dessinée. La question belge est donc redevenue un sujet de préoccupation pour ses voisins, comme elle le fut jadis lors de la crise royale de 1950 ou des affrontements communautaires de la fin des années 1960.
Comment en est-on arrivé là ? L'annonce de la fin prochaine du pays n'est-elle pas trop alarmiste ou pour le moins prématurée ? Et comment doivent se comporter les partenaires du royaume dans les différents scénarios possibles ? Répondre à ces questions est d'autant moins simple que le statut actuel de la Belgique est le fruit d'une sorte de bricolage institutionnel permanent ; l'aboutissement d'un processus qui, en cinquante ans, a transformé un État centralisé en État fédéral. Cette évolution s'est faite à coups de « compromis à la belge », moyen par lequel Flamands et francophones parvenaient à maintenir un espace politique commun - le niveau fédéral - tandis que les régions et les communautés s'appropriaient des compétences de plus en plus larges. Tout au long de ce processus, la Flandre a été le moteur des réformes de l'État. De leur côté, les francophones, Wallons et Bruxellois, ont monnayé leurs concessions linguistiques et territoriales en échange d'un soutien financier. Le déclin continu de la Wallonie minière et sidérurgique les plaçait en position de faiblesse face à la région flamande, que son dynamisme économique, fondé sur des PME performantes et une agressivité commerciale à l'exportation, avait hissée dans le peloton de tête des régions européennes.
Un État, trois régions, trois communautés
Quand ils ne …