Les Grands de ce monde s'expriment dans

ISLANDE: LA CHUTE DES « NOUVEAUX VIKINGS »

Il y a peu de pays au monde qui, entre deux élections démocratiques, dévissent complètement et passent du statut de privilégié à celui de naufragé économique. C'est le sort qu'aura connu l'Islande. En mai 2007, les électeurs de l'île renouvelaient leur confiance à la principale force politique en place depuis la proclamation de la République, en 1944 : le Parti de l'indépendance (conservateur), cheville ouvrière, avec une poignée d'hommes d'affaires, de la récente et spectaculaire prospérité ayant valu au petit pays de se hisser parmi les nations les plus favorisées de la planète. Deux ans plus tard, le rêve islandais s'est évanoui : l'État est proche de la faillite ; toutes les banques ont été nationalisées ; le chômage - quasi inexistant jusqu'alors - est en nette hausse ; les entreprises ayant fait la fierté des îliens soit ont disparu, soit croulent sous les dettes. Le gouvernement, une coalition de conservateurs et de sociaux-démocrates, a dû démissionner sous la pression de la rue. Et, le 25 avril 2009, les électeurs étaient appelés à élire, de manière anticipée, celles et ceux qui devront gérer la banqueroute et les conséquences sociales d'un tel marasme. Entre-temps, il est vrai, le climat économique mondial s'est considérablement dégradé. L'économie islandaise, qui donnait des signes avant-coureurs de fragilité dès 2006, a commencé à vaciller. À partir de l'été 2008, la raréfaction du crédit au niveau mondial, aggravée par la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, porta l'estocade. Parti des États-Unis, le tsunami financier déferla sur l'île de l'Atlantique Nord avant d'atteindre le continent européen. Ce qui permet aux personnalités ayant dirigé l'Islande ces dernières années d'affirmer aujourd'hui que leur politique n'est pas en cause. La faute incomberait aux autres, au système financier mondial que le pays nordique n'a pas contribué à ériger, se contentant juste d'en adopter les règles du jeu avec succès, jusqu'à ce que...
L'argument, s'il est jugé spécieux par les opposants locaux à la politique du gouvernement démissionnaire, n'est pas irrecevable. L'Islande a utilisé au mieux les possibilités offertes par la mondialisation de la finance, par un système peu contrôlé permettant un accès facile au crédit. Dans ce domaine, elle n'a pas agi différemment de la plupart des autres pays occidentaux. Mais elle a eu le malheur de montrer plus de culot et d'appétit que les autres, alors que sa taille (320 000 habitants, soit à peine plus que la population de Nantes) et ses particularismes locaux auraient dû inciter ses dirigeants à faire preuve d'une plus grande prudence qu'ailleurs. Là est la grande erreur de la petite classe dirigeante islandaise, dont les membres entretiennent des liens tellement imbriqués que personne n'osa tirer la sonnette d'alarme lorsqu'il en était encore temps, de peur de gâcher la fête. Car c'est bien de cela qu'il s'est agi : une grande fête matérialiste orchestrée par un petit groupe de personnes qui emportèrent dans la danse une bonne partie de la population, charmée par leur réussite insolente. Une fête aux éclats patriotiques qui masqua quelques …