Où en est l'organisation jihadiste aujourd'hui ? A-t-on raison de l'ériger en menace suprême ? Comment la mouvance jihadiste internationale a-t-elle évolué depuis une dizaine d'années ? Et selon quels scénarios pourrait-elle décliner à l'avenir ?
La transformation de la mouvance jihadiste internationale
La transformation d'Al Qaïda a été théorisée avant de devenir réalité. L'un des principaux théoriciens de la décentralisation de la mouvance jihadiste internationale est un ancien haut responsable d'Al Qaïda connu sous le nom d'Abu Mus'ab al-Suri. Né à Alep en 1958, il entame des études d'ingénieur à la fin des années 1970. Il intègre au même moment l'« organisation de l'avant-garde combattante des Frères musulmans ». Ce groupe est une organisation secrète classique - ce qu'on appelle en arabe tanzim - ayant un objectif local précis : renverser le régime de Hafez el-Assad. Le tanzim en question est découvert par les services de renseignement syriens et, en 1980, Al-Suri est contraint de quitter son pays. Dès cette époque, le jihadiste émet des doutes sur les structures organisationnelles classiques, c'est-à-dire hiérarchisées. Il estime que, face à un État disposant d'une police et de services de renseignement performants, un tanzim n'a que peu de chances de parvenir à ses fins, voire tout simplement de survivre.
En 1998, Abu Mus'ab al-Suri se trouve en Afghanistan quand les Américains bombardent certains camps d'entraînement en représailles aux attentats de Dar es-Salaam et Nairobi. Il est impressionné par la puissance de feu de l'armée américaine et par sa capacité à frapper les endroits les plus reculés sans même s'exposer. Il écrit alors : « L'ère des camps fixes est terminée. Nous devons nous entraîner dans des maisons ou des camps mobiles » (2).
En 2000, Al-Suri achève une première version de son grand oeuvre, L'Appel à la résistance islamique globale, un ouvrage de plus de 1 500 pages dont une version actualisée est diffusée sur Internet …