Paul-Henry Gendebien - La querelle belge n'est pas anecdotique. Elle n'est pas le fait du hasard ni d'une crise conjoncturelle. Elle trouve sa source dans une création qui a accouplé des populations dépourvues des affinités et de la cohésion nécessaires pour former un État-nation. Déjà, en 1912, le député socialiste de Charleroi Jules Destrée s'adressait en ces termes au roi Albert Ier, le grand-père de l'actuel souverain Albert II : « Laissez-moi vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : Sire, il n'y a pas de Belges (...). Non, Sire, la fusion des Flamands et des Wallons n'est pas souhaitable, et, la désirerait-on, il faut constater qu'elle n'est pas possible. »
Un siècle plus tard, ce constat est plus que jamais pertinent, et la montée en puissance du nationalisme flamand, la volonté de ce peuple de se constituer en État-nation coûte que coûte, place les Wallons et les Bruxellois francophones devant un choix crucial pour leur avenir. C'est pourquoi, en 1999, avec quelques amis issus de divers horizons politiques - je viens pour ma part du Rassemblement wallon d'André Renard et de François Perin - nous avons créé le Rassemblement Wallonie-France, ainsi que son frère jumeau le Rassemblement Bruxelles-France. Nous avons fait le constat que seule la réunion à la France de la partie francophone de la Belgique nous permettrait de surmonter les graves problèmes économiques et politiques dont souffrent aujourd'hui la Wallonie et Bruxelles. Il ne s'agirait pas d'une annexion, mais d'une réunion librement consentie de deux peuples appartenant à la même aire culturelle, partageant une histoire et des valeurs communes.
L. R. - Ne pensez-vous pas que, du côté flamand, la rhétorique nationaliste sert avant tout à obtenir des concessions en matière de compétences régionales et sur Bruxelles ?
P.-H. G. - Nous n'en sommes plus là ! La Flandre de 2009 s'active à dessiner les frontières de son futur État, en cherchant à éviter toute contestation. C'est pourquoi la négociation dans un cadre belge n'a plus de sens, sauf, pour les Wallons et les Bruxellois, à se coucher encore plus bas que le niveau du sol. À l'instar des Serbes de la fin des années 1980, les Flamands estiment que l'on ne négocie pas avec un faible, mais qu'on lui impose sa volonté. J'appelle cela de la violence politique par le recours abusif à la loi du nombre. On ne discute pas avec celui qui veut détruire l'objet même de la négociation, à savoir l'État belge lui-même.
Il vaudrait mieux s'orienter rapidement vers la seule négociation utile et raisonnable : celle qui prendra acte de la fin de l'espace politique et juridique commun ; organisera la succession d'États ; et établira des relations de …