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QUI SONT LES NEO-TALIBAN?

Pendant quelques années, il flotta sur l'Afghanistan comme un parfum de victoire : les Taliban (1) avaient été mis en déroute en un temps record et à moindres frais. La chute du mollah Omar n'avait en effet mobilisé, en sus des bombardements aériens, que 426 Américains (316 soldats des forces spéciales et 110 officiers de la CIA). Quant aux forces afghanes anti-Taliban, elles n'avaient coûté « que » 70 millions de dollars (2). Une affaire, en somme. Pour les Américains comme pour le reste de la communauté internationale, la cause paraissait entendue.Pourtant, aujourd'hui, force est de constater que l'ennemi est toujours là, empêchant la reconstruction du pays. En Europe, on parle encore des Taliban, comme si l'on n'avait affaire qu'à la jacquerie des anciens fidèles du mollah Omar. La situation est, hélas, autrement plus complexe.
Le nouveau visage des Taliban
Les « néo-Taliban », pour reprendre la terminologie des analystes américains, se trouvent au coeur d'une insurrection déstabilisatrice pour l'État afghan renaissant. Selon les informations fournies par l'Isaf (Force internationale d'assistance et de sécurité), l'Otan et des sources ministérielles américaines (Pentagone et Département d'État) (3), ils seraient environ 17 000 sur le terrain à combattre la présence étrangère. Le ministre afghan de l'Intérieur, quant à lui, a donné le chiffre de 15 000 (4).
Portrait de l'ennemi post-11 Septembre en Afghanistan
Le mouvement actuel présente de nombreuses similitudes avec l'organisation « historique », à commencer par son fort enracinement dans la population pachtoune - le principal groupe ethno-linguistique du pays. Depuis toujours les Pachtounes ont dominé l'État afghan. Aujourd'hui, ils se sentent maltraités et humiliés par un pouvoir politique majoritairement aux mains des Ouzbeks et des Tadjiks originaires du Nord. Le président Karzaï, lui-même pachtoune, est considéré comme une marionnette aux mains de l'Alliance du Nord, le groupe armé qui s'est battu pour chasser les Taliban du pouvoir. Aux yeux des Pachtounes, les néo-Taliban, comme les Taliban des années 1990, apparaissent comme le symbole de l'ordre face à un appareil étatique jugé corrompu et impuissant. Dans la région de Helmand, par exemple, largement sous influence néo-talibane, l'administration locale était devenue si inefficace qu'elle était considérée comme inexistante (5). Une telle situation a joué en faveur des insurgés.
Mais les néo-Taliban post-2001 présentent également des différences notables par rapport à leurs aînés. Tout d'abord, ce ne sont plus les mêmes hommes. Une nouvelle génération est désormais aux commandes. Il n'y a guère que l'élite des Taliban historiques réfugiée au Pakistan, dont le mollah Omar, qui soit encore engagée dans la lutte. Les Taliban nouvelle version sont plus pragmatiques : ils utilisent la technologie à des fins de propagande, à l'instar d'Al Qaïda ; et ils ne cherchent pas à imposer par la force des décisions qui pourraient pousser les territoires conquis à la rébellion. Ainsi, lorsqu'ils ont compris que des villages pachtounes étaient prêts à se battre afin de défendre l'accès à l'éducation pour leurs enfants, les néo-Taliban n'ont pas fermé les écoles. Au contraire : ils ont promis d'en ouvrir …